Vous dites tous "j'aimerais trop avoir un frère ou une sœur" mais quand vous allez rentrer des cours et qu'il n'y a plus de Snickers vous comprendrez
On marchait entre les arbres pour trouver des pommes de pins, des feuilles et des morceaux d’arbres. Nos parents étaient sur le chemin avec le chien.  Paul avait trouvé deux bâtons de la même longueur et voulait faire un duel, et celui qui perdrait serait l'esclave de l'autre pour le reste de la journée. Connaissant mon frère, il m'en ferait baver et profiterait de la situation. Nos bâtons s'entrechoquèrent, le mien se raccourcit de quelques centimètres ce qui ne m'empêchai pas de le mettre à terre. A peine eu-je le temps de pousser un cri de victoire que Papa est venu vers nous pour qu'on arrête. Il n'aimait pas qu'on fasse n'importe quoi en public, il disait toujours "j'ai une réputation à tenir". Il était pompier, presque tout le quartier le connaissait, il était en quelque sorte une figure locale. Je l'avoue maintenant que j'étais très fière de lui, dire qu'on avait un papa pompier à l'école primaire, c'était avoir l'admiration de toute la classe. Mais malgré notre éducation à la dure, il savait nous réconforter et nous faire des câlins. C'était le bon vieux temps.

On ne perd jamais ses parents, même après leur mort ils vivent encore en vous. Ceux qui vous ont conçu, qui vous ont donné tout cet amour afin que vous leur surviviez ne peuvent disparaître
Quelques semaines plus tard, il a été à l'hôpital à cause d'une intervention qui a mal tourné. Les médecins n'avaient rien trouvé donc il a pu rentrer après deux jours. Mais plus tard, il a eu des problèmes respiratoires qui ont débouché sur un cancer, tout ça à cause d'une fumée nocive qu'il a respiré lors de l’incendie. Pendant quatre ans, il a alterné la chimio avec les rayons puis avec des périodes de rémission, mais ces périodes duraient maximum six mois. Notre quotidien était totalement bouleversé et on ne faisait plus beaucoup de sorties ensembles. Mais Papa tenait à être présent lors de nos spectacles d'école et de continuer nos ballades dans la forêt. Ce qui lui manquait le plus, c'était de ne plus être pompier, il adorait son métier.

Mais la dernière année a été la pire. Il a été fort malade et a passé beaucoup de temps dans son lit. Un jeudi, quand j'étais en cours d'histoire où je discutais avec ma meilleure amie plus que je n'écoutais, le CPE est venu dans notre classe, "Mademoiselle Peterson pouvez-vous me suivre et prenez vos affaires." Son ton signifiait rien de bon, tous les yeux étaient braqués sur moi pendant que je sortais de la salle. Dans son bureau, ma tante m'attendait avec les yeux rouges et bouffis, elle n'avait pas besoin de parler ; j'avais compris. Papa allait mourir. Dans la voiture, aucune de nous deux décrochaient un mot. Arrivée à l'hôpital, il y avait tout le monde. On m'a accompagné jusqu'à la chambre de Papa, il était dans son lit, les yeux à moitié fermé et semblait encore plus affaibli que d'habitude. Je m'approchai lentement de lui, il respirait bruyamment peut-être à cause des machines. Il ne restait plus que Maman, Paul et moi dans la chambre. On nous laissait en famille, pour lui dire une dernière fois au revoir. Je m'avançai vers lui et allai lui déposer un baiser sur son front tout en lui chuchotant "Je t'aime Papa, tu peux partir maintenant". Il m'a regardé puis a pris ma main et y a exercé une légère pression comme pour dire "Je t'aime aussi". Après, on m'a demandé de sortir de la chambre et d'attendre dans une petite salle au plafond soi-disant apaisant.  On attendait là avec Paul que le temps passe. Au bout d'un moment, on est venu nous chercher pour qu'on rentre à la maison, tant mieux je ne voulais pas rester ici. C'était les parents de Maé qui sont venus, depuis quelques années, eux et nos parents étaient amis. Papa avait sauvé le mari et depuis, ils étaient proches. Maé lui, était mon ami depuis. Ils sont restés jusqu'à temps que Maman et toute la famille soient revenues à la maison. C'est sa mort qui m'a décidé de travailler dans la médecine et de devenir la meilleure dans mon domaine. Les relations avec Paul se sont améliorées, comme étant le seul homme de la maison ; il était devenu plus protecteur envers moi. Mais le pire a été Maman, elle a eu du mal à s'en remettre et est partie en dépression pendant quelques mois. Heureusement, elle s'en est vite remise.

Work hard play hard
J'ai attendu d'être rentrée au lycée pour parler des études que je voulais faire, elle a accepté à une seule condition, je devais trouver du travail pour payer une partie et bien travailler pour obtenir une bourse. A ce moment-là, les Whitely avaient besoin d'une baby-sitteur pour les deux derniers. Vu que je connaissais les jumeaux, j'ai été voir Miccah, il en a parlé à ses parents qui ont accepté de suite. Au début, c’était un peu difficile avec Brent qui était là et qui me donnait du mal. Mais les deux petits étaient adorables et Miccah un peu plus sociable que son frère. On a commencé à parler ensemble. Refaire le monde, ce qu’on voudrait changer et comment on voyait notre vie dans 10 ans. Peu à peu, des sentiments sont nés mais avec son frère dans les parages, je n’osais rien dire ; on ne sait jamais ce qu’il peut dire ou faire.
On s’est retrouvé à la fac, il en avait vaguement parlé mais sans jamais  le faire sérieusement, je l’aurais plus vu dans l’humanitaire ou dans un zoo s’occupant du bien-être des animaux. Etant dans la même promotion, le rapprochement a été plus qu’amical et une sorte de relation s’est installé. Elle a duré le temps de nos études. Voulant célébrer la fin de ces années le nez plongé dans les livres et sans vraiment avoir profiter pleinement de la vie, avec Paul on avait décidé de voyager en Europe. Comme il partait avec sa petite amie de l’époque, j’ai proposé à Miccah de nous rejoindre. Pour une raison que j’ignore, il a refusé. Déçue de sa réponse, je préparai mes bagages pour le voyage qui m’attendait. Finalement, on allait partir qu’à deux car la copine de mon frère  l’a quitté quelques jours avant notre départ. Un voyage de célibataire comme dirait mon frère, il avait l'air plus enjoué que moi et ne semblait pas tellement affecté par sa rupture. Pour moi, c'était le contraire, j'étais vraiment déçue de la réaction de Miccah, je tenais tellement à partir avec lui ; qu'on découvre un bout de l'Europe à deux et que notre relation aille plus loin. Et de le voir se battre pour les causes locales sur la protection des animaux. Qu'est-ce qu'il pouvait me saouler avec ça, mais il était tellement à fond dedans que je ne pouvais pas lui en vouloir.  Tout ça, je le gardais pour moi. Le dire à Paul aurait été une connerie, il est pas du genre à se morfondre sur les sentiments et à t'épauler dans ce genre de situation malgré son côté protecteur.

En route ma poule
Paris,  Berlin, Amsterdam, Stockholm sont quelques villes où l’on est passé. Quand on a été en France, on en a profité pour aller dans la Loire, visiter quelques célèbres châteaux et goûter le fameux vin français. Mais aussi pour visiter un petit village dont Papa nous avait parlé, son arrière-grand-père avait vécu ici avant de partir pour les Etats-Unis. Ensuite, on est parti aux Pays-Bas uniquement pour Amsterdam et profiter de ce que la ville pouvait nous offrir, Paul s’est offert une prostituée « Elle est venue toute seule à moi, j’allais pas refuser ! », c’était ce qu’il a dit pour se justifier. Après, on a choisi au hasard le dernier pays à visiter, et c’est tomber sur la Suède. La première chose qu’on a faite là-bas était de visiter un Ikea et  s’empiffrer de Daim. Dire que voyager m’a fait grandir et gagner en indépendance, certainement mais ça fait un peu trop cliché. Ce qui est sûr, c’est que j’en ai profité pour rattraper le temps perdu et  je ne préfère plus compter le nombre de fête et de gueule de bois que j’ai pu avoir. Mais quelque chose manquait pour que ce voyage était parfait, lui. Encore une fois, je sais que c'est cliché et gnangnan. Simplement, je l'aime et je n'ai pas eu le courage de lui dire depuis tout ce temps. Je voulais profiter de partir avec lui pour lui avouer ce que je ressentais, soit il ressentait la même chose et se mettait officiellement ensemble ou ça s'arrêtait là. Ah, l’avion va pas tarder à atterrir, je finis d’écrire quelques mots sur mon carnet de voyage et le range précieusement dans une pochette de mon sac. Paul dormait comme un bébé, mais une secousse le réveilla en sursaut ce qui me fit rire. Maman devait certainement nous attendre impatiemment devant la porte d’embarquement avec une banderole niaise. Elle serait avec nos grands-parents, oncles et tantes, toute la famille quoi. En rentrant, on aura le droit à orgie de gâteaux et l’obligation de tout raconter dans les moindres détails.  Et ils nous demanderont tous ce qu'on allait faire maintenant. Pour ma part, j'allais postuler à l'hôpital de la ville pour le poste d'oncologue, la place s'est libérée il y a quelques jours du coup j'en ai profité pour poster ma candidature. C'est la partie visible de l'iceberg, l'autre objectif est de retrouver Miccah. Voir ce qu'il est devenu et renouer contact. Je ne sais pas ce que cela va donner, sera-t-il content de me revoir ? Ou le contraire. Je ne sais même pas où il habite, ce qu'il fait ; si je cuisine un peu maman elle va pouvoir me renseigner.