—Taeho & You—

C'est juste une piqûre, ça fait pas mal !

« Non mais du rose vraiment ? Mais…. » « Je suis désolée Taeho, on a plus de tenues hommes pour le service, j’ai pu en prendre en pédiatrie, au moins, tu n’es pas tout nu, quoi que, je suppose que ça ne dérangerait pas grand monde. » Je hausse un sourcil en la regardant avec une gueule de raton-laveur blasé. Oui, j’aime m’identifier au raton-laveur (surtout à cause de ma peluche Meiko que j’ai depuis longtemps). « Je croyais que tu aimais le rose. » Oui, oui, j’aime le rose, mais travailler dans une tenue comme ça… J’veux dire, entre le pantalon rose bonbon et le haut avec des petits motifs de dinosaures verts, bleus et mauves, sur le fond rose. Un long soupir m’échappe alors que je la regarde avec une gueule de désespéré. Je crois que je préférerai encore mettre une tenue de femme trop petite pour moi. « Tu es beau comme ça ! Allez, va bosser ! » Je grogne à moitié avant de partir de son bureau et de sursauter à la claque « mignonne » que je reçois sur le cul. Elle en a pas fini encore avec ça ? Ergh, j’me sens comme un toyboy. « T’es pas possible ! » Je sors avant de me prendre un coup de pieds au cul, petit sourire aux lèvres. Allez, je vais voir la vie en rose aujourd’hui.

C’est un jour normal aux urgences à vrai dire. Des vieillards, des enfants, des étrangers, des personnes SDF, toujours le même schéma. Ce qui me tue le plus, c’est quand on doit annoncer à des parents que leur assurance ne couvre pas les frais. Enfin, quand on doit l’annoncer à n’importe qui à vrai dire. C’est une des raisons qui me poussent à faire des heures en plus dans un dispensaire histoire de pouvoir les aider un peu plus et de ne pas hésiter à leur donner l’adresse quand je vois que c’est nécessaire. Monde cruel. Maintenant, maintenir sa santé relève de l’épreuve olympique. Je touche du bois, je n’ai jamais été malade et je suis le premier à constater comme ça peut coûter cher, il suffit de voir les dépenses pour Jaeho.

Après presque six heures sans s’arrêter, je me pose un peu dans la salle de repos, sandwich en main, limonade devant le nez, yeux clos, musique sur les oreilles. Mnah, ça fait du bien. Je mastique alors ma nourriture avec les larmes aux yeux, mon estomac aime quand il est contenté et satisfait. Hmpf, manger, je crois qu’à part le sexe, il n’y a rien de meilleur. Un haussement d’épaules plus loin et je ris tout seul. « Taeho, il faut que je parte. » Buvant ma limonade, je la recrache en toussant avant de regarder ma collègue d’un air désespéré. « Hein ? » « Tim est au commissariat, il a encore fait une connerie, je suis désolée. » Oh. Bon. Un hochement de tête, un léger sourire et je la laisse s’en aller avant de regarder le temps. Gérer un secteur tout seul pour encore 3h, c’est faisable. Allez, du nerf.

Sandwich avalé, mains lavées, je repars dans la mêlée, grand sourire aux lèvres pour la prochaine personne à aider avant de tiquer devant le nom du dossier. Elle est à nouveau ici ? Hmm... Sagement, j'entre dans la chambre avant de lui sourire et de commencer à prendre toutes ses constantes et ce qui est demandé pour facilité le travail du médecin. « Je vais commencer par croire que tu aimes venir ici. » Un petit sourire et je prépare le matériel pour la prise de sang. « Il s’est passé quoi ? Comment tu te sens ? »

taeho & ariadna

La vie d’Ariadna avait pris un tournant considérable depuis le début de la crise ukrainienne, et son installation à l’autre bout du globe dans la capitale des strass et des paillettes n’y avait absolument rien changé. Au contraire, la brunette avait complètement disjoncté et agissait de manière encore plus virulente qu’à l’accoutumée. Pourtant, Los Angeles était censé symboliser un nouveau départ, une nouvelle vie paisible entièrement dévouée à sa passion pour le tennis, rien d’autre. Non, il n’y  avait pas à dire, Ariadna avait essayé de s’en convaincre durant tout le trajet Amsterdam-Los Angeles mais au fond d’elle, elle savait pertinemment que c’était voué à l’échec. Peut-être était-ce le visage d’Hécate, sa rivale à la crinière rousse de toujours, qui lui avait directement rappelé qu’elle avait des tas de batailles à gagner et que les dissimuler en elle n’était pas une solution. Puis ce serait se trahir que d’agir de la sorte, et une insulte à ses géniteurs de surcroît qui continuaient de se battre contre le régime corrompu. Alors non, malgré toutes les bonnes résolutions qu’elle avait prises au départ, l’Ukraine restait figée dans sa mémoire et la brune vivait constamment la bataille de son peuple avec eux dès lors qu’elle n’était plus sur le courts ou dans les boîtes de nuit, verres en mains pour tenter de se laisser aller et de trouver de l’espoir et de la force dans la tequila. Et par Merlin, cette bataille n’était pas de tout repos et empiétait dangereusement dans sa vie quotidienne, pour la simple et bonne raison qu’elle voyait désormais le mal partout et qu’elle ressentait un besoin constant de rétablir le bien et la justice. Pourtant elle était loin d’être wonderwoman ou autre zouave à collants avec un melon en guise de tête, mais se battre pour la bonne cause lui faisait un bien incroyable qui permettait de la détendre et donner une suite logique à sa vie de réfugiée. Et le moins qu’on puisse dire, c’était que la jeune Ariadna n’avait pas peur de prendre et de donner des coups, adoptant une technique de combat des plus efficaces presque dignes des postures de Bruce Lee, rien que ça.

Et une fois encore, l’appel du combat avait été trop fort ce soir-là. Tout juste rentrée de Londres pour le tournoi de Wimbledon, la brune avait promis à son amie Vesna, sa seule et unique amie ukrainienne de la cité des anges, de venir la voir au plus vite dès qu’elle serait sur le sol américain. Et sachant tous les problèmes dans lesquels son amie était directement impliquée, Ariadna n’avait pas d’autre choix que de tenir sa parole et elle s’était donc immédiatement précipitée vers son lieu de travail une fois ses affaires déposées chez elle sous l’œil bienveillant de sa colocataire qui ne lui avait posé aucune question. Et Dieu ce qu’elle pouvait être exténuée, Wimbledon ne l’avait pas épargné, les méchants avaient plutôt intérêt à ne pas se manifester et Vesna à ne pas s’être fourrée dans un énième coup foireux. Entre le décalage horaire et ses muscles qui ne demandaient qu’un peu de repos après le long tournoi qu’elle venait d’effectuer – la belle était tout de même arrivée jusqu’aux quarts de final, bel exploit pour une si jeune joueuse – Ariadna n’était pas au top de sa forme et n’avait aucune intention de s’en cacher. Une fois sur le lieu de rendez-vous fixé avec son amie, la brune sortit son téléphone portable et lui écrivit un texto pour la prévenir de son arrivée et lui dire de venir à sa rencontre. Et bien évidemment, c’était ce jour-là que le bon Dieu ou toute autre instance supérieure avait choisi de la mettre au défi. A peine eut-elle le temps d’écrire les premiers mots de sa phrase pour Vesna qu’elle se fit bousculer par le bad boy du coin qui lui arracha le portable de mains avant de s’enfuir en courant. Damn it boy, you’re gonna pay for this motherfucka. Sans se poser de questions, Ariadna se mit à courir derrière lui et le rattrapa sans aucun problème. « Eh, gros tas ! Même ma grand-mère court plus vite que toi, juste à titre d’information. Et on ne t’a jamais dit qu’il fallait être poli avec les demoiselles et que leur voler leurs affaires n’était pas très courtois ? » Et sans attendre de réponse, elle donna un premier coup de coude dans les côtes de son rival qui jura en la traitant de tous les noms. « Non, ce n’est toujours pas ce que j’appelle la courtoisie mon ami ».  Et comme la fois d’avant, elle asséna un autre coup pour accompagner ses paroles, coup qui eut le mérite de délivrer son portable des mains de son ennemi. « Je préfère ça. » Et alors qu’elle s’apprêtait à tourner les talons, l’homme vint écraser son poing contre sa joue et la plaqua contre le mur le plus proche sans aucune délicatesse pour ménager sa tête qui prit un choc en plein fouet. Super, elle s’était faite avoir comme une débutante, elle avait laissé Bruce Lee à Londres. « Petite maligne, tu te crois intelligente comme ça ? ». Elle était sûrement plus intelligente que lui déjà pour commencer, oui. « Parce que tu trouves ça distrayant de s’en prendre à une mineure, étrangère en plus de ça. Protection diplomatique, ça te parle ? » Ces dernières paroles eurent l’effet escompté et l’homme la lâcha avant de lui cracher dessus et de s’enfuir de nouveau. Il ne l’avait définitivement pas ménagé et tout son corps lui disait d’arrêter de forcer, sans parler de sa tête qui commençait vraiment à lui faire un mal de chien. Mais au moins, elle avait sauvé son portable qu’elle inspecta minutieusement avant de corriger le message qu’elle avait commencé pour Vesna.

Désolée ma belle, je passerai demain. Hit Girl doit faire des examens de contrôle. Prends soin de toi. 

***

Ah, les urgences du VA Los Angeles Care Center, un vrai plaisir d’y remettre les pieds. Si Ariadna n’avait pas une carrière à assurer derrière, elle n’y serait jamais revenue. Sauf qu’après coup, l’altercation de tout à l’heure lui avait coûté plus qu’elle n’aurait pensé et son poignet gauche commençait à la tourmenter. Alors elle était dans sa chambre, à attendre patiemment qu’un infirmier ou un médecin soit disponible pour venir s’occuper d’elle, ce qui ne tarda pas à arriver cinq minutes plus tard. «Je vais commencer par croire que tu aimes venir ici.  » Encore lui ? Décidément, il allait finir par se faire des idées. « La perspective de te voir dans un uniforme médical rose m’a guidé jusqu’ici. », répondit-elle avec un clin d’œil furtif. Ben quoi, elle avait bien le droit de s’amuser un peu avec le personnel tout de même, autant que son passage aux urgences soit un minimum intéressant. Puis de toute façon il était déjà au courant de sa passion pour les bagarres de rues.  « Il s’est passé quoi ? Comment tu te sens ?  » Cette question l’a fit grimacer, l’ukrainienne n’était pas de ceux qui aimaient raconter les événements dans les détails, mais soit elle n’avait pas vraiment le choix de toute manière. « Un type m’a pris mon téléphone, je lui ai couru après, je l’ai frappé. Puis après c’est lui qui m’a frappé. J’ai récupéré mon bien et je suis venue ici. Rien de bien grave je pense, mais je sors tout juste d’un tournoi alors je préfère ne pas trop forcer, il faut que je reste en forme pour les entraînements. » C’était une réponse minimaliste mais bon, elle avait répondu à sa question, à lui de voir s’il voulait en savoir plus. « N’empêche que j’insiste, le rose te va vraiment bien au teint ! » Oui, elle ferait tout pour changer de sujet et retarder la prise de sang.

 

—Taeho & Aria—

C'est juste une piqûre, ça fait pas mal !

« La perspective de te voir dans un uniforme médical rose m’a guidé jusqu’ici. » J’affiche une tête d’ourson grognon à sa remarque avant de sourire en coin, tout en gardant un regard faussement menaçant disant : yah, tu veux mourir ou quoi ? Mais au fond, j’aime bien cette taquinerie venant d’elle, au moins, elle ne m’envoie pas chier et elle discute un peu, c’est bon signe. Elle ressemble à un félin en mal d’attention mais qui refuse de se laisser approcher en même temps. A force, je finirais peut-être par y arriver. Elle est tellement jeune, ça serait bien qu’elle puisse sortir un peu du cercle vicieux dans lequel elle s’est fourrée depuis quelques temps. Physiquement, elle doit être épuisée malgré tout entre les entraînements, les tournois et son impulsivité qui la pousse à toujours se battre comme si sa survie et son orgueil en dépendaient. Après avoir pris ses constantes, j’attrape un tabouret pour m’installer contre le lit et commencer à préparer tout ce dont j’ai besoin pour la prise de sang, moment qu’elle doit déjà redouter par avance, je sais qu’elle n’aime pas quand je dois lui en faire une, mais hé… On a pas vraiment le choix à vrai dire.

« Un type m’a pris mon téléphone, je lui ai couru après, je l’ai frappé. Puis après c’est lui qui m’a frappé. J’ai récupéré mon bien et je suis venue ici. Rien de bien grave je pense, mais je sors tout juste d’un tournoi alors je préfère ne pas trop forcer, il faut que je reste en forme pour les entraînements. » « Tu es à la fois courageuse et folle. » Mais la folie va de pair avec le génie n’est-ce pas ? « Il aurait pu t’arriver quelque chose de vraiment grave tu sais ? » Et ce salopard hein ? Juste parce qu’elle est une demoiselle et qu’elle semble frêle, il pensait pouvoir en faire n’importe quoi ? Argh, je déteste les hommes comme ça, pourquoi les gens ne se contentent pas d’être doux et sympas ? Le monde irait tellement mieux si à la place de se faire du mal, on répandrait un peu d’amour autour de nous. Je suis un hippie en puissance, j’aime le partage et la gentillesse plus que n’importe qui. Quand je vois comme c’est dur parfois pour Jaeho à vrai dire…

« N’empêche que j’insiste, le rose te va vraiment bien au teint ! » « Merci. » Je souris en coin. « A vrai dire, je suis content d’avoir échappé à la tenue blanche avec les nounours de toutes les couleurs dessus… Je crois que là, je serai vraiment passé pour une licorne ! » Un petit sourire en coin et je l’observe. « Tu as mal où exactement Aria ? » Histoire de savoir ce que je note dans le rapport. Avec sa qualité de tenniswoman, on aura pas trop de soucis pour obtenir un scanner du poignet et de la tête et pendant qu’elle me décrit ses douleurs, j’en profite pour la piquer en essayant de me faire doux au possible. Grande fille, mais pas pour tout et entre nous, ça me rassure de voir qu’elle a des failles et qu’elle ne fait pas tout pour être un hulk en puissance. Une fois les tubes de remplis, je l’observe en souriant et dépose un pansement sur le point de ponction. « J’vais demander un scanner pour ta tête et ton poignet, ça vaudra mieux je crois. » Je donne le sachet à une collègue pour qu’elle puisse l’emmener au laboratoire avant de me lever pour aller voir un interne et lui parler de la jeune fille, il acquiesce pour les examens et prescrit le scanner en disant qu’il ira la voir quand les résultats seront là. Je vais chercher un fauteuil roulant et revient vers elle avant d’avoir un air intransigeant ! « C’est obligatoire pour les scanners cérébrales ! Il faut être tranquille, on ne sait jamais, tu as peut-être une commotion ! Donc hop jeune fille et je t’y emmène ! » J’aurai pu la laisser à un brancardier, mais niveau infirmier, tout est fait et ils savent me biper en cas de besoin. « T’es privilégiée, t’as un chauffeur personne super sexy en tenue rose bonbon ! La classe franchement ! »