« Ok ok ok ok » Il se prit la tête entre les mains comme si ça pouvait l'empêcher de le dire encore quatre fois. « ok » Il ferma les yeux. « ok » Ses poings se serrèrent, au point ses ongles lui entaillèrent les paumes. « ok ok », termina-t-il malgré ses efforts. Quelle plaie. Quel poids. Il en avait tellement marre de se TOC, c'était insupportable. Oh, il faisait évidemment bonne figure, comme s'il les avait acceptés, comme si toutes ces années avaient pu l'aider à s'y faire. Ça avait été le cas, mais Scarlett n'était plus là, et avec elle s'était envolée sa volonté de s'accepter. Tout ce qui lui restait, c'était ce mal être constant, ces reproches qu'il se faisait tout le temps, parfois même sans raison. Il se rendait malade avec tout ça, et ce depuis le départ soudain de celle qu'il aimait. Elle ne reviendra pas, Nahil, disait sa mère. Ça résonnait encore dans sa tête, à chaque fois qu'un de ses troubles obsessionnels compulsifs se manifestait. « PUTAIN ! » Il se saisit du meuble qu'il venait de terminer et le balança à travers le garage. La porte menant à la maison s'enfonça; elle explosa en éclats de bois qui voletèrent au ralenti avant d’atterrir un peu partout. Sa main tremblante ébouriffa ses cheveux, déjà il se sentait le besoin viscéral de tout ranger. Au lieu de cela, il balança un coup de pied dans un morceau de porte, attrapa les clés de sa moto et sortit faire un tour. Se calmer avant de rentrer pour tout ranger méticuleusement, parce qu'il y était obligé, autrement il ne fermerait jamais l’œil cette nuit. Il se gara devant un lieu bien connu. Ni thé ni café n'étaient conseillés dans son état actuel, mais à quoi bon faire attention ? De toutes manières il était taré, il en avait rien à cirer de finir hyperactif à cause de la caféine.

Une fois servi, Nahil entreprit de retourner s'asseoir sur sa bécane pour boire tranquillement son café, mais alors qu'il quittait la file son regard clair accrocha une silhouette reconnaissable entre mille. Tant de fois rêvée, dessinée, et même parcourue de ses mains tremblantes, incertaines. La solution à ses problèmes. Un peu la cause, aussi. Elle était là, sirotant un thé, sans doute le même que celui qu'elle prenait lorsqu'ils venaient ici ensemble. Il se souvenait encore de la première fois qu'il l'avait emmenée dans ce coffee shop. C'était à leur première rencontre, simplement, lorsque, à quelques rues de là, il l'avait bousculée pour éviter une fissure du trottoir. Ensuite, ils avaient marché jusque-là, Nahil évitant discrètement les lignes entres les pavés pour masquer encore quelques minutes ses TOC. Les souvenirs affluèrent, étourdissants. « Non, putain, non... » Presque une supplication. Pas elle. Pas de putains de problèmes aujourd'hui. Il la regarda à nouveau, pourtant. Cette fois, il s'aperçut qu'elle était accompagnée. Un bébé, pas plus de trois ans. Son fils, évidemment, il lui ressemblait trop pour qu'elle ne soit pas la mère. Quant au père... L'image de Scarlett, sa Scarlett, embrassant un autre lui revint en mémoire avec la violence d'un coup de poing. Une vision de cauchemar, trop souvent imaginée. Jamais vue, par contre. Par chance. Son café à la main, il demeura planté là, à deux mètres d'elle, pas vraiment certain qu'elle soit réelle.