C'était un matin gris de janvier lorsqu'un cri de douleur fendit le silence de l'hôpital encore ensommeillé, une jeune mère bien trop belle pour être enceinte venait pourtant d'accoucher d'une petite fille, gigotante qui poussait de petits couinements plaquée contre la poitrine de sa mère, les yeux brillants de cette dernière tournés vers le regard terne, sans joie de l'homme qu'elle aime. C'est ainsi que vint au monde, la jeune Sophie, encore trop jeune lorsque son père s'en alla loin du domicile familial laissant une bouchée de pain à sa femme et sa jeune progéniture. Une miss America tout aussi incapable de s'occuper de sa fille que de trouver un boulot, elle qui n'avait jamais rien fait de sa vie mis à part marcher en souriant devant des milliers de téléspectateurs se retrouvait désormais mélangée à ces gens insipides et repoussants qui terrifiaient la jeune maman. Durant de longues années, livrée à elle-même l'ancienne Miss dû se résoudre à vivre d'aides sociales, ne s'occupant que de trouver des hommes riches prêts à lui rendre sa couronne de princesse, laissant sa fille de côté. Mais avec le temps sa beauté commençait déjà à se faner, si bien que les princes charmants ne pensaient plus qu'à rajouter un énième prénom sur leurs listes, se foutant bien de ses rêves de gloire et de richesse. Elle avait de l'espoir cependant, enfin pour sa fille, elle pensait qu'en la traînant dans tous les castings possibles, elle se ferait sûrement repérer par un producteur connu et qu'elle pourrait assurer son avenir et son futur. Ce n'est pas compliqué d'imaginer l'ambiance qui régnait au domicile des Brooks, la petite fille n'avait que guère le temps de se concentrer sur ses études et son sale caractère n'arrangeait en rien les choses.

Au fil des années, la petite Sophie était devenue grande, sa beauté elle aussi était grandissante si bien que tout le monde fût captivé par cette jeune demoiselle au charme magnétique, pour le plus grand plaisir de sa mère qui n'était plus qu'une épave de son succès, oubliée de tous et pourtant toujours à la recherche d'un homme qui la ferait grimper à nouveau sur le devant de la scène. Désormais, l'adolescente qu'était devenue Sophie y était habituée, comme si de voir presque chaque jour un nouvel homme dans le lit de sa mère ne lui faisait ni chaud ni froid. Ce n'était pas le cas, elle masquait, enfouissait au plus profond de son âme sa colère, sa rage envers sa mère et son inapplicabilité maladive. Sous son air calme se cachait un volcan grondant de violence, hurlant vengeance pour son enfance volée, pour son innocence inexistante. Sa première crise survint lors de l'année de ses 15 ans, prise d'une colère noire, elle avait hurlé des flots d'insultes, balançant des objets contre le sol, les yeux embués par l'amertume qu'elle portait depuis toujours. Sa mère l'avait traînée chez un psy, et une flopée de médecins à la vue de ses crises de colère répétitives, mais tous avaient conclu la même chose ; Sophie avait de graves problèmes pour gérer sa colère, mais qu'avec l'âge tout devrait rentrer dans l'ordre. Si elle avait été élevée dans un foyer calme et sain, peut-être que ses problèmes de comportement seraient rentrés dans l'ordre, mais c'était loin d'être le cas, et ses émotions devinrent plus forte presque incontrôlable pour l'adolescente qui se retrouvait submergée par les sentiments qui l'assaillaient. Elle écopa de plusieurs renvois, jusqu'à son diplôme d'ailleurs. Sa mère, ne perdant pas espoir continuait de la conduire, sans relâche à chacun des castings qu'elle avait soigneusement sélectionnée, priant pour le talent de sa fille soit repérée. N'ayant connu que ce fonctionnement, Sophie aussi avait de l'espoir, car une maman reste une maman, et sans le savoir réellement elle souhait faire plaisir à sa mère, à la rendre fière d'elle. Puis finalement, elle décida d'aller à l'université sur un coup de tête après une énième colère contre la Terre entière. Ce fut grâce à cela qu'elle rencontra Maé, il était superbe et si sincère, si gentil. Elle ne mit que très peu de temps avant de tomber raide dingue de lui, tout en sa personne brûlait pour lui comme jamais elle ne l'avait ressenti. Pendant une année, et pour la première fois de sa vie, elle était en paix avec elle-même, sans pour autant savoir comment il arrivait à l’apaiser, à la calmer lors de ses crises de colère qui se faisaient de plus en plus rares.
Alors que l'année touchait à sa fin, un nouvel homme fit irruption dans la vie des filles Brooks, promettant les yeux brillants de leur rendre ce qu'il leur avait été pris. La mère de Sophie savait parfaitement comment convaincre sa fille de faire tout et n'importe quoi, comme par exemple quitter sa vie, l'homme qu'elle aimait de toute son âme pour aller vivre à New-York avec cet homme qui lui avait promis de si belles choses. Elle avait annoncé sa décision, que bien évidemment Maé n'avait pas compris, mais elle s'en fichait au fond, sa mère l'avait manipulée comme trop souvent, mais il avait essayé de la convaincre lui aussi, de lui faire ouvrir les yeux, mais c'était peine perdu et il l'avait vite compris d’ailleurs. Ce que Sophie ne savait pas, c'est qu'elle venait de lui briser le cœur et qu'en suivant sa mère, en déménageant à l'autre bout du pays, elle venait de commettre une des plus grosses erreurs de sa vie.

Bien évidemment sa mère s'était laissée bernée par le premier crétin aux beaux yeux pleins de sincérité et bien évidemment l'histoire d'amour n'avait pas duré bien longtemps, 2 mois tout au plus. Encore une fois, sa mère avait tout merdé, saisi de remords, elle avait hésité à rappeler Maé pour s'excuser pour lui annoncer qu'elle allait revenir, mais elle était bien trop fière pour lui présenter des excuses, bien trop lâche aussi. Mais si elle avait su, elle aurait remballé son égo, son orgueil et tout ce qui l'empêchait d'aller retrouver sa place dans ses bras, si seulement elle avait su. La belle Sophie avait 20 ans et désormais, il fallait qu'elle pense à son avenir, même si ce dernier se ferait sans les promesses de l'homme qui venait de décevoir encore une fois sa mère. Peu de temps après son arrivée elle apprit que son frère, Thomas allait se marier et manque de chance, dès le premier regard elle avait détesté sa fiancée. Elle avait été franche, se foutant que se soit la futur femme de son frère adoré pour autant, c'était hors de question qu'il l'épouse, elle était trop superficielle, trop hautaine. Et malgré tous les efforts de Sophie il n'avait pas changé d'avis, il était resté campé sur ses positions. Bien évidemment Sophie n'était pas venue à la cérémonie, bien trop dégoûtée par cette alliance. La jolie blonde n'eut néanmoins pas à attendre longtemps avant de voir leur couple se briser, comme elle l'avait pressenti. Ce n'est pas compliqué d'imaginer la joie de Sophie de voir cette femme mauvaise sortir enfin de leurs vies...
Sans le soutien de Maé, sans ses lèvres contre les siennes la jeune femme se laissa à nouveau submerger par ses démons, redevenant peu à peu la personne invivable qu'elle avait été. À nouveau, elle se trouvait au pied du mur, sans échappatoire, se rendant peu à peu compte de ses erreurs.
Puis il y eu Benjamin un sex-friend plus qu'un copain qui n'avait pas les même habilitées que Maé pour la calmer, si bien que frustré par l'attention qu'il ne lui portait pas, elle -et complétement ivre- lui avait décoché une paire de claques et en voulant se défendre il l'avait repoussé, manque de chance en tombant elle s'était ouverte le crâne, se tapant bien des excuses elle avait agit comme elle le faisait toujours, selon ses propres règles, si bien que Benjamin avait été embarqué par les flics pour "violence conjugale". Après ça, il l'avait quitté, et la petite bulle qu'elle avait créé pour se protéger venait encore une fois d'éclater.
Elle voulait se libérer de son trop-plein d'énergie, de la colère qui l'abritait. Elle voulait faire partie de la police, peut-être même du S.W.AT, elle voulait sentir couler l'adrénaline dans ses veines pour se libérer de ses regrets, mais bien évidemment sa mère l'en dissuada, persuadée que sa jolie fille ne deviendrait jamais policière et que jamais au grand jamais elle ne porterait d'armes. Encore une fois l'esprit vil de sa mère parvint à convaincre la jeune femme qui se lança dans des études de commerce. Elle était douée avec les chiffres, Sophie, bien moins avec les gens et encore moins pour s'exprimer, mais alors qu'elle n'était plus que dominée par ses crises de colère, elle rencontra Tim, il lui rappela Maé, bien évidemment, mais finalement, il était bien différent de lui. Moins fortuné, moins franc, moins drôle aussi, plus sérieux, plus mature, plus... Adulte en quelque sorte.  C'était comme une malédiction, les femmes Brooks ne rencontraient que des menteurs qui ne cherchaient qu'à profiter, et Tim fut le premier à jouer avec la jeune femme, trop naïve, trop amoureuse pour se rendre compte de la réalité. À 25 ans, Sophie était une femme mariée, diplômée et sa mère une femme comblée. Ce à quoi elle ne s'attendait pas, ce fut la première claque venant de la part de son mari, ivre. Elle pensa que cet incident ne se reproduirait pas, mais ce ne fut bien évidemment pas le cas, puisque Tim était un alcoolique. Lentement, Sophie changea, ses colères devinrent journalières, toujours à fleur de peau, elle était capable de s'énerver pour un oui ou un non. Son mariage était un sombre échec, pathétique échec. Pendant 4 ans, elle supporta cette situation, travaillant jour et nuit pour tenter de noyer sa colère et pour masquer le goût amer qui restait dans sa bouche à chaque fois qu'elle pensait à Maé. Elle avait bien trop peur de divorcer, elle avait encore plus peur que sa mère l'apprenne et que par la même occasion apprenne que son mari, régulièrement, abattait son poing sur elle. Finalement, alors qu'elle approchait la trentaine, un matin, elle découvrit que comme sa mère, elle n'était plus qu'une épave, que l'ombre de ce qu'elle avait été. La mine fatiguée, les yeux cernés, le corps couvert de contusions. Chaque bouffée d'air était douloureuse, chaque colère la dévastait encore un peu plus puis elle se rendit compte que l'air avait toujours été ainsi depuis qu'elle avait quitté le seul homme qu'elle n'avait jamais aimé. Maé. Elle n'avait que ce nom en tête lorsqu'elle demanda sa mutation à Los Angeles et que part la même occasion, elle demanda le divorce en faisant précipitamment ses valises dès que le poste fut libre, de crainte de changer d'avis. L'avion venait d’atterrir sur le sol californien, tout aussi pensive qu'inquiète la jeune femme avait récupéré ses minces valises, l'estomac noué. Et si après tout, il ne l'avait pas attendue ? Rapidement, elle quitta son alliance, la glissant dans la poche arrière de son jean, il ne devait bien évidemment ne rien savoir de ces 10 années qui venaient de s'écouler. L'air lui semblait plus respirable et l'idée de retrouver l'homme qui n'avait jamais quitté son cœur ne faisait qu'améliorer cette sensation.