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BADJAWN - Until the morning
Dawn J. Baker
Dawn J. Baker
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BADJAWN - Until the morning EmptySam 17 Jan - 2:03

Jack & Dawn

- Until the morning  

L’eau caressait mes épaules, élancées, douces, pesées. Les fines gouttes chaudes y trouvaient la fin de leur chemin, avant de se laisser couler, doucement, encore tout doucement, le long de mes omoplates, de mon dos, de mes hanches. J’avais la tête, les idées, les envies submergées et j’aurais pu simplement m’enfouir sous l’eau, y rester, y jouir de son calme, de son silence, de sa chaleur, de sa candeur pour de longues minutes encore. Y garder les yeux fermés, touchant du bout de l’épiderme toutes les sensations qui s’y dessinaient, qui me permettaient de respirer un peu mieux, un peu plus librement, volage, vivante. Le jet caressait ma nuque, la massait de toutes les tensions qui s’y accumulaient depuis des siècles, des années, des mois, des jours, des heures, depuis lui, depuis nous. Les cheveux entourant mon visage trempé, j’osai même baisser la tête, oubliant de fixer le vide, oubliant de fixer tout et n’importe quoi, parce que c’était toujours plus facile, moins engageant, moins douloureux. Mais la douleur, j’en avais assez. J’en avais eu trop pour un seul corps, pour un seul cœur, pour un seul être. J’avais envie de recommencer, de repartir, de renouveau, de nouveau, de rien, de tout. J’étais à l’aube de changer, aux premiers balbutiements d’une nouvelle vie, et je n’en pouvais plus de me retenir, de croire, de jurer, de vouloir, de trembler, de douter. J’avais besoin d’air, de respirer, vraiment, purement. J’entrouvris même les lèvres, avides, intéressées, les yeux clos, le souffle ardent. Une nouvelle vie, un essai, une toute petite seconde, minute de paix, de calme, de joie. Rien de plus, rien de moins, juste un instant, rien qu’à moi, à tout oublier sous le torrent tout en compréhension d’une douche qui embrumait la pièce, qui alourdissait par sa chaleur, par l’eau bouillante qui entrait par tous les pores de ma peau, me laissant à fleur, à vif. J’aurais pu y rester, brûlante, encore un peu, mais le choc constant des coups sur la porte, additionnés d’une voix, perçante, connue, celle d’une autre, d’une distraction de plus, d’une pression aussi. « Dawn? On part dans 5 minutes! »

▶▶▶▶▶

Le Roosevelt était le genre d’endroit mythique qui dégageait une histoire par lui-même. Le chêne solide des parquets, les couleurs riches tapissées au mur, les tapis tissés à la main, les luminaires brillants, tamisés, opulents, le mobilier luxuriant, imposant. Aidan y avait loué une suite pour que j’y passe le week-end entier. Me détendre, qu’il avait prétexté, et au passage rencontrer la styliste que sa mère avait judicieusement choisie, âme émérite de la mode qui me couvrirait de soie, de perles, de satin, de dentelle en prévision du grand jour que je repoussais déjà, duquel je me dissipais, dissolvais, dérobais le temps que ça passe, le temps que j’admette que je n’étais pas à ma place, que je ne l’avais jamais été. Mais voilà que j’avais accepté, que je m’y retrouvais, que je respirais sous pression, sous un corset qui moulait mes hanches frêles d’avoir si peu été nourries, d’avoir tangué entre le vrai et le faux pendant si longtemps déjà. La styliste, Eleonor de son prénom, tenta un soupir, alors que la ville s’éteignait lentement par la fenêtre, et qu’elle tentait de me rassurer, de m’amener par la main vers ce jour fatidique qui sonnait injuste, alors que je me mentais en y voyant la solution, la seule, la juste, la finalité comme je la méritais. Une pile d’Oscar de la Renta, de Vera Wang, d’Elie Saab, de Dior, brillants de mille feux, me narguant, étalée sur le lit qui me retrouverait peut-être pour une heure ou deux, plus tard, toujours plus tard. L’insomnie avait eu raison de moi et déjà je sentais mon corps de plus en plus lent, vide, instable, sans équilibre aucun. Elle osa même allumer la radio, un vieux morceau aux trompettes et au piano délicat en trame de fond, je finis par lui faire le plaisir d’arborer voile et robe, seule, toute seule, et de tourner pour ses yeux brillants alors que les miens s’étaient depuis si vite étiolés, éperdus, enivrés. Je pensais à Aidan, toujours loin, et sa proximité absente me fis mal. Parce qu’il n’était jamais là, lorsque j’avais besoin de lui. Parce que je l’avais aimé, je crois, à un moment, ou alors, j’avais aimé ce que j’avais pu présager de nous. Mais qu’il n’était pas là pour renforcir cette idée, saugrenue, que peut-être il m’aimait pour les bonnes raisons, alors que je jouais les méchantes, celle qui ment, qui cache, qui doute. Eleonor sourit et je baissai la tête, fermée. J’avais besoin d’oublier. De retrouver cette envie sordide, candide, qui avait honorée ma matinée. Un verre, juste un. De scotch, sec, doré, brûlant.

▶▶▶▶▶

Évidemment, il était là. Je le sus dès que je descendis au bar, évitant cette impression que me lacérait dès que je le savais sur le point de surgir. Une intuition comme une autre, oui, mais celle qui sonnait l’alarme. Qui déclenchait tout et rien, qui l'enflammait surtout, prêt à tout. Et voilà qu’il y était vraiment, pour une raison qui m’échappait, et qui ne suffisait pas à ce que je rebrousse chemin de suite, à ce que j’évite de reproduire une stupidité ou une autre, à ce que je lui offre de nouveau ma main, sous les couvertures rigides mais réconfortantes d’un Noël de flocons faux, de regards faux, d’amour faux, où il m’avait donné ce dont j’avais besoin, mais où je savais déjà sans aucun hasard qu’éventuellement je paierai. Beaucoup. Cher. Pour avoir cru, pour avoir voulu, pour avoir aimé. Pour aimer encore. Alors j’étais partie, sans un verre, laissant le barman pantois alors qu’Eleonor me suivait vers l’ascenseur, innocente petite femme qui ignorait tout ce qui défilait sous ses yeux, ou le connaissant par cœur peut-être, pour le vivre à chaque mariage auquel elle prenait part. Non je n’étais pas la seule, non, je ne l’accepterais pas. Pas d’unique, pas de traitement de faveur, pas d’autres, aucune. Surtout pas maintenant. Et comme une ombre j’avais filé, parce que cela me semblait logique. Il n’y avait rien eu de final dans nos derniers échanges – pourtant, je savais que ça ne pouvait pas, qu’il ne pouvait plus, que je ne pouvais surtout et jamais, également. La porte allait se refermer sur ma peur, qu’il m’ait vue, mais surtout que je l’ai vu moi-même, vraiment, lorsqu’il osa se glisser, chargeant la température d’un degré, ou de mille. Il se glissa entre eux, près, trop près, son parfum montant jusqu’à ma tête, jusqu’à ma raison, l’enivrant trop déjà, pour que je puisse m’arrêter, réfléchir. Comme d’habitude, comme toujours, illégalement, parfaitement. Mes pupilles refusaient tout contact, mon souffle rauque se murant à la respiration des autres, inconnus, figurants, qui assistaient à notre autodestruction, à nos retrouvailles maladroites, à nos cris, à nos pleurs, à rien, à nous. La cloche m’immobilisa avant de m’entraîner loin, et je le fuie non sans me trahir, la tête à demi tournée, captant une bribe de lui derrière une porte qui nous séparait pour le mieux, pour le pire.

▶▶▶▶▶

« Une dernière, et je te laisse dormir. Ça te va? » J’hochai de la tête, forçant un sourire le temps du dernier essayage du jour, de la soirée, de la nuit, j’ignorais l’heure maintenant, avant de passer la tête sous le tissu. Je me sentais impossible, méchante, excédée, et elle ne méritait pas de me voir sous ce jour-là. Elle n’avait rien demandé, si ce n’était de rendre le tout plus léger, plus facile, voyant bien que je n’étais pas de celles qui règleraient tout toute seule, l’ayant rêvé depuis toute petite. « Je sais que c’est beaucoup de stress, mais… » elle se tu, alors que je passais la porte de la salle de bain, ayant omis de me regarder une fois de plus, de valider si tout était en place, si le jupon tombait justement, si la coupe épousait mes formes qui s’y perdaient sous trop de mesures. « Dawn, tu es… je… » La styliste s’avança vers moi, habituellement de marbre pour la cause, et un simple balayement du regard me confirma que celle-là devait être sa préférée. Et moi qui semblait si détachée, si épuisante, si… « C’est celle-là. » Eleonor m’entraîna vers le miroir plein pied qui trônait près du lit et détailla les moindres coutures alors que je levais enfin le menton vers celle que j’étais vouée à devenir. Sa femme. Le coup me fit mal, mais me rassura au passage. La normalité, le quotidien, la routine. Ce pourquoi j’avais la force, maintenant. Et lui, qui rôdait plus bas, mirage de mon passé, de mon présent surtout, qui dérangeait la vision, qui m’empêchait de me voir aussi belle que la styliste qui s’extasiait d’un haussement de sourcil nouveau, soutenu. « J’apporterai les bijoux demain, si tu veux! » « D’accord. » que j’acquiesçai, les prunelles observant maintenant la robe blanche immaculée qui me donnait un brin de teint, de promesses. Peut-être que ce serait ok, au final. Peut-être que c’était là où je devais être, ultimement. Elle effleura mon dos du bout des doigts avant de ramasser ses effets personnels et de me quitter, protégée de taffetas et de sequins, voyant déjà ce week-end comme tant de possibilités, tant de moments pour nier aussi. Mais voilà, j’y étais, autant assumer, et oublier. Encore.

J’ignore combien de temps j’y restai, muette, livide, lorsque 3 coups, féroces, irascibles, insatiables s’abattirent sur la porte de la suite James Dean. Celle où je me taisais, où je me traquais moi-même. Et avant même de tourner la poignée d’un geste brisé, je savais exactement qui se trouverait devant moi.

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BADJAWN - Until the morning EmptyMar 24 Fév - 19:43




Jack & Dawn // Until the morning.

Il s'appelait Henry Beckett, ou Harry, ou Andrew ou Linus. Je ne savais déjà plus. Quelle importance ? À monter sur ses grands chevaux, à me réciter son parcours dans le monde de la finance, à énumérer les sujets qui lui tenaient à coeur d'aborder et que je rédigerais, il ne m'intéressait pas. Oh, ça ne faisait pas de lui quelqu'un d'agaçant, hautain, horripilant et j'en passe - il était juste ennuyant. Un ennui profond, lourd, un ennui qu'on lisait sur ses traits grisés par le temps, le stress, le cigare qu'il ne lâchait jamais, un ennui où baignaient ses intonations, ses paroles. Il parlait, encore et encore, et si je l'entendais, je ne l'écoutais plus. Il savait y mettre du rythme, du ton, mais ce n'étaient pas les miens, ceux qui me charmaient, ceux qui me convenaient. Les accents n'étaient pas aux bons endroits, les pauses, les croches s'éparpillaient et résonnaient dans le vide. Le pianiste, lui, en revanche, sous le grésillement de la platine qui laissait ses accords encore résonner des années après, connaissait son sujet sur le bout des doigts. Personne ne pouvait se tromper sur la patte d'Oscar Peterson, ou alors peut-être que j'avais eu un peu trop de temps pour apprendre à la discerner parmi tant d'autres au cours de l'année écoulée - peu importe. Son étude du Boogie Blues sonnait juste, elle, terriblement juste, elle racontait quelque chose que jamais Beckett ne pourrait articuler, n'en déplaise à ses diplômes liserés d'or, ses mémoires d'une vie de prestige et de magouilles, sa notoriété, sa Rolls qui a grillé la priorité de mon bus et du nombre de zéros qu'il était prêt à aligner pour se débarrasser d'une autobiographie qu'on lui réclamait et que, bon Dieu, jamais il n'aurait le loisir de perdre son précieux temps à rédiger. J'en avais besoin, de sa générosité foireuse d'égoïste capitaliste, j'en avais foutrement besoin, mais non, non, je ne me focalisais pas sur ce qu'il débitait comme je me focalisais sur le jeu de mains du jazzman, je n'accrochais pas à sa dégaine qui empestait l'Armani et les catwalks dans le beau Manhattan comme j'accrochais au tableau accroché là-bas, au dessus du comptoir du bar, je ne soulignais pas sa présence comme je soulignais celle de tous ceux qui avaient un jour fouler le plancher du Roosevelt. La jupe folle d'une Marylin, la moustache étudiée d'un Gable, la silhouette fragile d'Hepburn ou la carrure costaud de Grant, je les voyais parfaitement déambuler, ça et là, dans le décor mythique d'un hôtel qui ne l'était pas moins. Je découvrais l'ambiance feutrée de ces lieux pour la première fois grâce au rendez-vous que Henry ou Harry ou Andrew y avait fixé pour cette première rencontre et, paradoxalement, c'était cette même ambiance qui m'entraînait à mille lieux de lui, guidé par le rythme délicat et puissant de Peterson, aguiché par chaque tapisserie, boiserie, toile et photographie qui rappelaient à quiconque y posait un regard le vécu d’un autre temps, d’une autre classe, d’un autre monde. Je reviens dans le nôtre lorsque la platine se tait ; la mélodie folle du Canadien s’essoufle avec elle et finalement, les mots de Beckett m’accrochent, à défaut de mieux, et je me redresse dans mon assise, posant mes lèvres sur le bord du verre au fond ambré et tentant, mon iris forcées sur lui.


▶▶▶▶▶


Elle était apparue au bout du bar, comme si nous étions voués à nous croiser, encore et encore, dans les lieux auxquels on le prêterait le moins. Le souvenir de notre dernière rencontre avait pris de la hauteur sur tout le reste : la certaine fraîcheur qu’une nuit de réveillon sur la côte ouest admettait, cette interlude inespérée, non espérée, de deux mains qui se joignent sous une couverture qui n’était utile que pour s’en cacher, des mots perdus, pauvres, sans sens ni nécessité, il n’en fallait pas plus pour que Beckett ne disparaisse à nouveau et que mon regard ne divague plus nulle part ailleurs que sur elle. Un sourire naissant sur le bout des lèvres, une confusion évidente mais ignorée en tête, les pupilles vrillées sur elle, je guette les siennes alors qu'elle s'approche du bar, j'attends qu'elle tourne la tête, m'offre un regard, un choc, un souffle, une flamme, mais elle ne le fait pas. Non, elle ne m'accorde pas son coup d'oeil, son coup de coeur, son coup de maître, elle avance jusqu'au bar et puis elle pille et puis elle fait volte-face, lançant un barman induit en erreur, figé puis agité quand il s'affaire à garder la face en déviant sa trajectoire vers les autres clients. Beckett, l'éreintant, naïf, opportuniste Beckett se laisse appâter par le regard calculé de l'employé tandis que je cherche celui que Dawn pourrait encore me jeter par dessus son épaule alors qu'elle s'éloigne, et déjà il renouvelle nos verres à peine vidés. Une impulsion sortie de nulle et de partout, je saisis l'instant au vol pour pousser ma chaise trop rapidement, trop lourdement pour que ça n'arrache pas un froncement de sourcils à l'homme d'affaires, ou peut-être n'est-ce dû qu'aux trois mots que je lui bredouille pour m'échapper de là à l'instant où, lui, avide buveur, ne se serait éclipsé pour rien au monde ? Je ne sais pas, je ne veux pas savoir, je m'en fiche et je me fiche de lui - Dawn disparaît derrière l'une des colonnes qui délimite le hall de l'hôtel de l'espace du bar et déjà je traverse celui-ci à grandes enjambées. Pourquoi ? L'amertume était toujours là, elle venait et partait, jouait avec mes nerfs, ma patience, ma douleur et mon ignorance - comme Dawn. Oui, comme Dawn, Dawn était mon amertume, et pourtant je glisse un main entre les portes d'un ascenseur que je vois se refermer sur elle et je m'y faufile, avide, demandeur, je ne coure même rien qu'après un regard, rien de plus. Elle était mon amertume mais elle était tout le contraire aussi, paradoxe surprenant et pas tant que ça non plus, malsain, sans aucun doute, mais salutaire. Elle était mon amertume et ma douceur, mais quand les portes d'acier se referment sur nous et tous les autres, pions, figures, poussières, et qu'elle reste impassible, quand l'ascenseur vrombit et qu'elle reste immobile, quand un premier étage se présente, que les corps se bousculent et qu'elle garde ses yeux rivés devant elle, quand un autre s'annonce et qu'enfin elle réagit, mais seulement pour s'échapper de la cabine, la douceur s'effrite. Elle s'écaille, se noircit, elle s'enflamme mais pas comme elle le devrait, non, elle s'enflamme pour partir en fumée plutôt que brûler lentement, chaude, réconfortante. Je reste planté là, comme un con, dépité, décontenancé, comme s'il m'avait semblé logique que j'obtienne ce brin d'attention qu'elle n'a pas daigné esquisser, alors que les portes se referment, à nouveau, cette fois-ci sur sa silhouette qui s'effaçait encore une fois.


▶▶▶▶▶


Ca m'avait semblé logique, mais je ne pouvais pas me le reprocher. Non, pas ce coup-ci, pas après ces dernières semaines, ces dernières rencontres, ces non-dits et ces mains qui se perdent à l'abri des regards. C'était logique. Mérité. Naturel. Mais Dawn ne semblait pas de mon avis, plus que jamais.

    ( Vingt minutes plus tard, Beckett tendait sa main vers moi, son manteau sur le bras. « Parfait. Ma secrétaire vous tiendra au courant pour la suite. »   J'avais hoché la tête, feinté l'enthousiasme, étouffé la voix qui me criait de ne pas bosser pour lui, juste pour qu'il cesse de parler, de boire, d'exister. )

Je nous avais toujours considérés, ou à une rupture près tout du moins, comme étant sur une même longueur d'onde. C'était ce qui avait fait notre force, notre complicité, c'était ce qui nous avait fait nous, tout simplement, ce soir où le dédain de nos deux vies d'avant nous avait poussé chacun l'un vers l'autre.

    ( Je vrille mon regard sur la femme qui m'a adressé la parole, celle qui est tirée à quatre épingles, celle qui accompagnait Baker plus tôt. Face à mon silence, elle répète ses syllabes, me redemande si j'allais prendre l'ascenseur au côté du quel je me tiens moi aussi. Je secoue la tête distraitement, silencieux, toujours, peu enclin à lui confier que je ne faisais que la guetter, là, passif, hargneux, pensif, vide, jusqu'à ce que la porte d'une de suites ne la laisse apparaître, plus loin dans le couloir, comme je l'attendais. « Bonne soirée, dans ce cas. » )

Je nous avais toujours considérés comme tel, oui, et là encore, je savais que j'avais eu raison. On se complétait, on s'accordait, on se ressemblait. Mais Dawn avait disparu, au propre comme au figuré, et quel figuré - elle n'était plus celle que j'avais connu. Quand je tape à la porte de sa suite, quand elle apparaît dans l'embrasure, quand mon regard se perd loin du sien puisqu'elle n'y portait plus le moindre intérêt, je ne peux qu'aligner les preuves. Il y avait la bague. L'imposante, l'étincelante. Je pensais qu'elle n'aimait pas ça,  qu'elle y préférait un ruban noué sur deux mains sous les bénédictions d'une religion ancienne, qu'elle n'y voyait qu'une preuve d'amour matérielle mais surfaite, qu'elle aurait misé sur l'éclat d'une vie plutôt que celui d'un diamant. Il y avait la robe, aussi. Blanche, immaculée, elle était horrible et elle était belle, agitait ma bile et coupait mon souffle. Le blanc ne lui allait pas. Elle le tâcherait trop vite, un pot de peinture saisi à la volée de son inspiration, un plancher trop vieux, trop sale qui la ferait seulement sourire par le passé qu'elle lui inventerait en s'y posant - mais elle ne le faisait plus. Evidemment, elle ne s'asseyait plus par terre. Non, elle n'était plus Dawn, ma Dawn, celle qui m'avait aimé, non, elle était une inconnue qui fuyait mon regard plus tôt et dévisageait mes traits maintenant, interdite, dure, froide. Intouchable.

Je m'avance et elle se recule, laisse une faille apparaître, me permet de m'y glisser, je ne sais pas comment, je ne sais pas pourquoi. Mais je le fais, je m'avance dans la chambre sans un mot de ma part, peut-être un de la sienne, je m'en fous - je tourne sur moi-même, observe les yeux, repère les bouquets de roses sur la commode, compte les chocolats sur la table de nuit, fusille les draps de satin et cent coussins du lit. « C'est quoi, le rehearsal de la nuit de noces ? » Un sourire dégueulasse aux lèvres, pas tant pour elle mais surtout pour moi, moi, le sombre con qui s'enfonce un peu plus dans son pathétisme jour après jour, je lui fais face et je m'approche d'elle, j'avance vers elle, tout près, trop près d'elle. Contre elle. « Aidan a peut-être besoin d'un coup de main pour enfiler sa guêpière dans la salle d'eau ? » Mon ton est vivant, amusé, défait et cinglant, chaleureux et faux, terriblement faux. J'ai fait l'impasse sur les formules d'usage et les bonsoirs polis - Dawn, elle, avait bien fait l'impasse sur moi. Qu'on ne se tienne pas rigueur.
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Dawn J. Baker
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BADJAWN - Until the morning EmptyMar 10 Mar - 18:19

Jack & Dawn

- Until the morning  

La main qui se ressert sur la poignée et l’appréhension de le retrouver. Cette même main qui avait retrouvé la sienne, d’abord la première nuit, à la galerie, l’arrêtant dans son élan. Puis la deuxième, dans le taxi, dans la nuit, dans ses draps, qui avait retrouvé le chemin de ses tempes, de ses lèvres, de sa peau. Puis celle interdite du nouvel an, feignant, fraudant, excusant le geste en se réchauffant un brin d’un liquide brûlant, désirant plus, trouvant plus, innocemment, sous les couvertures chastes et presque oubliées d’une soirée enneigée. Cette même main qui avait retrouvé ses vieilles habitudes, qui s’en étaient crée de nouvelles, qui était retombé directement là où il ne fallait pas, mais là où elle voulait tellement. Cette main qui se ressert, d’envie, de questions, d’interrogations, de douceur, de nostalgie, de douleur, d’emprunt. Emprunt d’une autre vie, une vie que je construisais de peine et de misère, une vie où je ne me reconnaissais pas, mais qui me permettait de ne plus me perdre, de ne plus me questionner, de ne plus trembler d’envie et de terreur, de passion et de désir, comme jadis. Cette vie stable, douce, reposante, cette vie injuste et juste à la fois, cette vie que je balaie sans même un doute un seul en ouvrant la porte de la chambre et en le découvrant, impatient, impassible, troublé, dérangé. Par moi, par mes conneries, par ma fuite, par ma foutue fuite qui n’en fini plus de finir. Mais je reste là, bien là. Je ne fuis plus son regard, le laissant détailler ce qu’il y a à voir. L’attirail parfait de la future épouse, à travers lequel ma respiration se saccade de plus en plus, à travers laquelle les vertiges font place aux chaleurs, à travers laquelle je sens l’hypocrisie, le mensonge, le surfait transpercer chacun des centimètres de ma peau. Il est la première et la dernière personne à qui je voudrais me montrer sous ses traits, la première et la dernière personne que j’autoriserais à scruter les moindres coutures, les moindres parcelles de tissus, de pierres précieuses, de mascara, de rouge à lèvres, de mèches savamment remontées. Je résiste entre l’envie de passer un main sur mon visage, barbouillant les traces de maquillage qui en reste, cassant la dramatique, mais c’est exactement ce pourquoi nous sommes doués, et je préfère donc la jouer silencieuse, alors que chacune de mes inspirations me brûle un peu plus, et que chacune de ses expirations me tue un peu moins.

C’est sa voix, celle qui fait mal, celle qui pique, celle qui attise, qui perce le silence alors qu’il n’a même pas besoin de forcer son entrée dans la suite. Il n’a pas besoin parce que je n’ai tout simplement plus la force de me battre, parce que j’ai cru à la trêve, parce que je ne suis tout simplement plus acclimaté à réagir d’une façon ou d’une autre avec lui. L’aimer, le fuir, le taire, le fuir, crier, le fuir, pleurer, surtout. J’ai abandonné toute rage, toute condamnation, toute crise de larmes rien que parce que ma corps, mon cœur, ma tête n’en pouvaient plus. J’ai abandonné le soir où j’ai réalisé que je n’étais plus moi-même, où j’ai compris que je serais brisée à jamais, changée, différente, ailleurs. Je souhaitais tellement vivre pour moi-même, tellement vivre tout court, sans rien, sans attache, sans fusion, rien que moi que j’en étais repue, blasée, écœurée. Je m’étais dégoûtée de moi-même en voulant retomber amoureuse de mon reflet, et rien n’aurait pu être plus pire que le châtiment que je m’imposais maintenant, entre lui, entre Aidan, entre tout ça. Alors oui, je n’avais rien dit. Je n’avais rien dit comme à mon habitude et je l’avais laissé déferler son ressentiment encore un peu. Comme si ça pouvait changer quoique ce soit. Comme s’il pouvait me pardonner, après avoir lâcher tout ce qu’il tardait à me cracher au visage. Comme si je n’étais pas en pleine spirale, aspirée, lointaine. Comme s’il y avait un après, un futur, un avenir autre qu’un présent où rien n’est beau, où rien n’est simple, où rien ne blesse. « Qu’est-ce que tu veux que je te répondes, Jack? » J’étais épuisée. De nos comportements changeants, de nos trêves, de nos disputes, de nous, mais surtout de moi. « Parce que si tu demandes, c’est que tu veux savoir, n’est-ce pas? » La Dawn douce avait depuis un moment déjà quitté le port, et je me retrouvais avec un reste de pierre, de ciment, d’aigreur. Une incapacité à me rattacher à moi-même. Par dédain pour l’amas de fausseté que j’étais devenue. « Je te laisse faire le tour si tu veux. »

Je voulais éviter le sarcasme, je voulais éviter la condescendance, mais il n’avait pas le droit. Et moi non plus, tellement pas le droit. Il n’avait pas le droit, parce que je lui ferais encore mal. Il n’avait pas le droit parce que je l’avais quitté, laissé, abandonné, parce que je lui avais brisé le cœur et que maintenant, encore, je m’acharnais à pousser le hasard, à me replacer directement là où il ne fallait pas. Il n’avait pas le droit parce qu’il avait déjà assez souffert, parce que j’avais détruit notre vie, à nous deux et encore plus que je ne l’aurais jamais espéré. Il n’avait pas le droit parce que je ne le méritais pas, et qu’il le méritait encore moins. Il n’avait pas le droit et j’osais quand même ne pas le perdre du regard, accrocher mes prunelles aux siennes, espérer qu’il daigne me retrouver là, dans cette énième joute, celle du plus fort, celle du plus faible, celle de celui qui a le plus mal comme si ça pouvait améliorer, modifier quoique ce soit. Mais il est occupé à voir la plus grosse blague qui soit, à constater par lui-même qu’Aidan existe vraiment, que je ne l’ai pas inventé dans un excès de folie, et que notre mariage est imminent. Il ne peut plus reculer pour avoir vu les autres robes, étalées sur le lit. Pour avoir constaté les divers accessoires scintillants, riches, pointus, perforants, sur la table de jour. Pour avoir remarqué les diverses photos des bijoux que la styliste ramènerait demain. Et je doute de moi. Et je doute de lui. Et je ne peux m’empêcher de réfléchir encore et encore, à chercher ce qui l’a poussé à remonter, à me trouver, à cogner. Et malgré tous les sens dans lesquels je tourne la situation, jamais, jamais je n’arrive à trouver une réponse valable, qui justifie le fait qu’il est là. Qui justifie le fait qu’il se trouve encore dans la chambre, haletant, improbable, alors que je me triture les mains, alors que je bouille de l’intérieur, alors que rien ne compte et que tout bascule au même moment.

Son silence se brise lorsqu’il se tourne vers moi, défait et agité. Il me ressemble, alors que j’ai réalisé que j’avais eu tout faux, et que plus rien ne serait jamais comme avant. J’avais gaffé, je ne m’en rendrais probablement jamais compte à quel point, mais quelque chose clochait, quelque chose tiquait, quelque chose me confirmait que rien n’était vrai, que tout était en pause, ailleurs, pas ici. Ou peut-être l’inverses, justement. « Ça va, tu as vu ce que tu voulais? » Les mains sur mes hanches, j’assume à peine le ton alors que j’avance vers lui, tremblante, toujours, n’imaginant plus dans quel monde lui et moi et nous on se retrouvait. Ne trouvant plus aucune référence, plus aucun point d’attache que ses yeux, ses prunelles qui se rapprochaient à chaque pas que je faisais dans sa direction, pleine de remords mais surtout de colère qui resurgissait sans même que je l’ai demandé. À quoi bon être si perturbé si rien ne peut changer, non? Je le défie du menton, maintenant à quelques centimètres de sa silhouette, attendant une réponse qui ne vient pas, qui ne vient plus. Je l’espère, je l’impose, je le perce et là, rien que là, quelque chose change. Quelque chose est différent, au creux de ses iris, et quelque chose se déclenche au fin fond des miens. Comme si on s’était accrochés, comme si on s’était retrouvés, comme si ce n’était pas des adieux, comme si la sensation de brûlure qui se provoque dès qu’il pose les yeux sur moi était la réponse à tout, l’au revoir que j’attendais. « Ou tu veux en voir plus? » Ma main remonte le long de mes côtes jusqu’à mon ventre, jusqu’à ma poitrine, jusqu’à mes épaules. Ma main remonte et s’arrête, assumant totalement, serrant ce tissu qui glisse, qui froisse, qui crisse maintenant, sous la tension, sous le geste hargneux qui l’accompagne lorsque je tire allègrement dessus. Le bruit des perles qui éclatent au sol ne me fait même pas broncher alors que la première manche de l’abominable robe de la honte pend maintenant sur elle-même, en lambeaux.

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BADJAWN - Until the morning EmptyDim 14 Juin - 0:43




Jack & Dawn // Until the morning.


Son ton était cinglant. Amer, aiguisé. Mon sourire s’effeuille, son regard me toise, mes nerfs, ma peau s’échaudent. Dawn était douce, elle était tendre, aimante, elle avait toujours le mot qu’il fallait pour panser une douleur, le baiser pour une injure, la main, délicate, caressante pour les plaies.    Ses bras avaient été mon refuge, ses regards mon estime et ses étreintes mon oxygène, ma force. Dawn était douce, mais elle n’était plus que brusquerie, violence. Son ton était cinglant, mais qu’est-ce qu’il aurait bien pu être d’autre ? J’étais entré, mauvais, braqué, brusqué. Je n’étais pas comme ça, moi non plus. J’étais le gars qui ne voulait que le bien, celui des autres avant le sien, de préférence. J’étais le gars qui avait grandi sans père mais l’esquisse d’une mère qu’il a vue ensuite s’épaissir, s’éclaircir, se révéler - avec d’autres enfants, les siens, mais pas ses frères ou ses soeurs, non, juste les enfants d’une mère qu’il n’avait jamais vraiment eue, mais qui est apparue, finalement, juste un peu trop tard, j’étais ce gars qui ne lui en avait jamais voulu. Qui n’en avait jamais voulu à personne. Qui prenait les choses telles qu’elles venaient, bonnes ou mauvaises, qui les façonnaient de ses pauvres moyens à sa propre manière, la meilleure, la plus adéquate, la plus simple. Qui ne faisait pas qu’encaisser les reproches mais qui les absorbait, complètement, totalement, sans rechigne ni révolte, et qui ne les renvoyait jamais. J’étais ce gars que certains apprécieront et que d’autres considéreront comme un con, un faible, un effacé. J’étais ce gars sans importance qui vivait une vie en nul lieu vouée à marquer le temps ou même rien qu’un esprit, qui vivait une vie, sa vie du mieux qu’il pouvait, dans la discrétion, l’insouciance, le bonheur en ligne d’horizon et les obstacles passés tout en aisance, en silence. Vivre et laisser vivre, profiter des petites choses qui en valent la peine et détourner le regard des grandes qui ne servent à rien. J’étais simple, banal, sans importance et sans l’ambition d’en gagner, je n’avais pas de mordant et je n’en cherchais pas. J’étais ennuyant, probablement, mais je n’ennuyais personne. Je m’effaçais, dans le pire des cas, je reculais d’un pas et je disparaissais, sans accroc, sans fanfare. J’étais ce gars passe-partout, qui le sait mieux que personne, qui y croit peut-être un peu trop, aussi - j’étais ce gars qui se laisse marcher sur les pieds et qui vous soufflera un merci après coup. Et pourtant, j’étais entré là, mauvais, braqué, brusqué. Et Dawn, la douceur, la tendresse, s’était faite amertume et froideur, cynisme et provocation. Tout semblait faux, tout sonnait faux. Un monde superficiel, altéré, inconnu, où je n’avais plus aucun repère et où je n’en cherchais pas d’autres. Ces semaines, ces mois sans queue ni tête, ces murs qui empestent le luxe et la misère, la chaleur étouffante du sud d’une Californie que je découvrais telle une inconnue alors que je l’avais tant aimée, une chaleur qui montait et montait, encore, pendant que j’en observe une autre, de ces inconnues, souvenir d’un amour passé. Un souvenir assassin, si seulement ce n’est pas l’amour qui l’a été.

Je l’observe, j’observe Dawn, les mains sur les hanches, le menton défiant, les traits creusés par l’arrogance. Elle rayonne d’assurance, de culot, d’impertinence. De mépris. Et je reste là, immobile, coincé, scié. Pas renfermé - je l’aurais voulu, pourtant, de toute ma force, de tout mon être, de tout mon coeur. Mais non, je laisse ce dernier ouvert, grand, plus grand que je n’en ai le droit. Et je la laisse le piétiner, encore, toujours, avec cette audace nouvelle que je lui découvre, cette audace qui ne me plaît pas et qui m’attire dans un même temps, cette audace qui enfonce mon diaphragme dans mon corps avec trop de vigueur, pas assez de retenue, qui alourdit mon souffle et qui l’affaiblit, aussi. « Ça va, tu as vu ce que tu voulais?   »  Je ne réponds rien. Je n’ai rien à répondre. Je ne veux plus rien voir et je veux tout voir, je veux filer d’ici et je veux me fondre dans le décor, je veux qu’elle disparaisse et je veux qu’elle s’approche, encore un pas, un autre. « Ou tu veux en voir plus? »  Je ne veux plus rien voir et je veux tout voir. Sa main le devine, sa main s’aventure sur son corps, sa main l’effleure, lentement, trop et pas assez, sa main agrippe sa robe, blanche, délicate, magnifique, dégueulasse, sa main l’agrippe et l’arrache. Le tissu crisse, se déchire, les perles s’enfuient et s’éparpillent au sol, douce et âcre mélodie, elles roulent et je baisse les yeux, enfin. Je vrille mes prunelles loin des siennes, je les perds dans l’échappée belle des sphères en nacre, je les perds dans une brume d’émotions, de trop plein, de pas assez. Tout semblait faux, tout sonnait faux. Alors, quand je redresse la tête, quand elle est là, si près de moi et si loin, si fausse et si vraie, je me dis que ça n’a plus d’importance, que plus rien n’en a. Lutter ne servait à rien, la chaleur de plus en plus étouffante, la douleur toujours plus cisaillante, les regards durs, les mines effarouchées. Nous étions dans un monde superficiel, altéré, inconnu. À quoi bon vouloir y conserver sa logique, sa retenue, sa morale ? Mon regard se voile et se dévoile, éclate ma logique, mes doigts s’enfoncent sur sa taille puis ses reins, brisent ma retenue, ils cherchent à la transpercer mais ne font que braver ces derniers centimètres qui séparaient son corps du mien, brûlant, bouillant, brouillon. Je la colle contre moi, trop près, trop fort, trop vraie. Ma bouche vient lire cette vérité sur ses lèvres sans attendre son consentement ou sa protestation. Je n’y pense même plus, seul importe ce baiser. Ce baiser brusque, ce baiser qui n’est que pulsion, intrusion, ce baiser échaudé, ce baiser qui détruit ma morale.

Ses derniers bribes s’évanouissent dans le fracas du vase qui s’écrase au sol quand moi j’écrase Dawn contre la commode, sans détour, sans appréhension, sans égard. Je la sens se crisper, je me fiche de savoir si c’est l’envie ou la douleur. Les deux vont de pair, indissociables, indifférenciés, c’est notre douleur à nous, c’est évident, limpide et si incertain. Les lèvres s’opposent aux miennes, les repoussent et les emprisonnent, il n’y a pas de tendresse ou de douceur, il n’y a rien de qui a été un jour, une nuit, tout ce que nous connaissions. Le temps d’un souffle, déjà saccadé, coupé, ma bouche s’échappe et se réfugie dans le cou qu’elle m’offre et qu’elle m’interdit de ses ongles qui meurtrissent ma nuque.Son parfum m’enivre et me dégoûte, j’imagine l’autre le choisir, l’emballer, l’offrir. Il le complimente et j’ai envie de le dédaigner mais je n’en fais rien, je le laisse m’enivrer, m’agacer, m’exciter. À San Francisco, à New York, elle sentait bon, elle sentait la peinture qui l’a éclaboussée, l’océan qui l’a fascinée, la pluie qui défie notre toiture incomplète, l’encens qui nous détend, la bouche de métro qui nous abrite, Picasso qui nous fait rire. Ici, elle empestait le luxe. Le beau. Le parfait. Elle empestait lui. Et ça m’enhardit, un peu plus, toujours plus. Parce que je veux l’oublier, mais pas autant que je veux qu’elle, elle l’oublie. Un temps, rien qu’un temps, où il s’effacera de sa mémoire, de sa tête, de son coeur, de tout son être. Rien qu’un temps, je veux qu’elle ne pense à plus rien ni personne sinon à moi et l’estocade de ma bouche, mes lèvres, ma langue contre la peau fine de son cou, de sa gorge, de la naissance de son épaule. Je veux qu’elle oublie toutes les fois où il l’a touchée au profit de mes gestes à moi, inédits, incontrôlés, la chaleur qui irradie de mes paumes quand je serre ses poignets pour les repousser, quand je les presse sur sa mâchoire, quand je les laisse fuir sur sa poitrine, s’y accrocher, s’y perdre, s’y réfugier. Je parcoure son corps tout entier, trop habillé, je reviens à ses pommettes puis ses tempes et finalement ses cheveux quand je relève la tête pour voler son souffle, à nouveau, je veux qu’elle oublie toutes les fois où il l’a embrassé, bien, mal, poli ou embrasé, je veux qu’elle ne se perde plus que dans notre brasier à nous, celui-là, maintenant, celui qui grossit encore et encore au fil des secondes, des instants, des minutes - le compte est perdu. Je la sens me repousser et je me décolle, recule d’un pas, ne sourcille pas : je sais que je n’ai rien à craindre, et je ne crains rien. Elle s’avance et me bouscule, plaque son corps au mien, nous fait traverser la pièce, la démarche titubante, éparpillée, hasardeuse. Mes mains s’accrochent à ses hanches et les plaquent à mon bassin, elle est désordonnée, elle va l’oublier, bientôt, rien qu’un temps, un temps précieux où elle ne se souviendra pas de comment il affole le tempo de son pouls, de comment il lui arrache des soupirs, des gémissements, des cris, de comment il manie son plaisir, peut-être maladroitement, peut-être comme un dieu. Mieux que moi, sans doute. Mais elle va l’oublier, rien qu’un temps, ce temps, le nôtre et pas tant que ça, parce que nous ne sommes pas nous. Pas vraiment. Plus vraiment.  

Mais il nous appartient, malgré tout. À elle, à moi, à nos baisers, nos caresses qui font mal, nos empoignées qui la défont de sa robe, des craquements çà et là que je n’entends même plus, mon coeur qui bat fort et son souffle qui s’accélère encore et encore en seul fond sonore. L’amas de tissu blanc, délicat, magnifique, dégueulasse tombe bientôt le long de ses jambes, je la pousse en arrière pour qu’elle s’en défasse pour de bond, je m’encouble dedans quand je continue de la pousser mais, le défi, la folie, l’envie qui agitent les prunelles dont je la dévore, je me rattrape, j’en profite pour la bousculer plus encore, pour la faire tomber sur le lit, me fichant bien des morceaux de tule, de dentelles, des sacs en papier et des écrins à bijoux qui l’encombrent et qui pourraient la blesser - la douleur, l’envie. Indissociables. Indifférenciés. On le regrettera, on ne s’en remettra pas, on ne l’oubliera pas. Marqués à vif, écartelés, bousillés. C’est ce qui nous attend. Elle va se marier. Je dois l’oublier. Elle en aime un autre. Je hais ce qu’elle est devenue. Mais sa peau, sa chaleur, son feu. J’en ai besoin. Je les réclame. Mon corps appelle le sien, je le dévore des yeux, les quelques secondes qu’il me faut pour me débarrasser de ma chemise, déjà bien amochée par sa fougue. De l’armée, je n’ai gardé qu’un paquet de paperasses quelque part dans mes cartons et quelques réveils en sursaut, de temps à autre, mais je m’en fiche, royalement. Je n’ai peut-être pas le corps du vingtenaire fringant, friqué, entretenu, bourreau des coeurs, du sien, mais j’ai son corps à elle, sous les yeux, à portée de main. Et mes mains y retournent, tout de suite, sans gaspiller une seconde de plus. Elles s’immiscent entre ses jambes pour les écarter et me laisser la place de la rejoindre sur le lit, au plus proche, l’une d’elles s’emballe jusqu’à son bras, où mes doigts encerclent l’un de ses poignets pour le remonter à la hauteur de sa tête et y prendre appui, tandis que l’autre, elle, elle prend son temps. Pour la première fois, depuis que les perles de nacre se sont éparpillées sur le sol. Elle caresse sa cuisse, la remonte lentement, la parcoure du bout de ses doigts. J'effleure les délicatesses de son sous-vêtement, les coutures, les tissus qui ne lui ressemblaient pas mais qui lui rendent terriblement justice, je jubile un instant de ce luxe qui me l'a arrachée que je méprisais juste avant et puis je m'en désintéresse, déjà.

Ma main file sur son ventre plat, crispé, creusé, sur sa taille fine, l'échelle de ses côtes, le palier de sa poitrine. Elle s'arrête là. Une seconde, une autre, patiente, tremblante, à la limite de l'autre morceau de dentelle qui couvre encore un peu de son corps. Mes yeux, jusqu'alors rivés sur mes propres gestes, mes découvertes, reviennent à la hauteur des siens, s'y plongent, s'y plantent. Et là, dans un instant de battement, un instant à part, mes lèvres s'entrouvrent. Cherchent leurs lettres, leurs sons, leurs mots. Parce qu'on déconne. Qu'on s'embourbe. Mais rien ne vient, absolument rien. Et son regard, il brûle. De hargne, de désir, d'insolence, d'assurance, de crainte, d'envie. Je n'en sais rien. Mais il brûle, de mille feux, et cet instant de doute, de clarté, il s'enfonce dans ses braises, et je sais qu'il n'en reviendra pas. Alors, mes lèvres entrouvertes finissent collées aux siennes, brusques, avides, désireuses, dans un nouveau baiser qui m'électrise, qui me rend fou. Fou de rage, fou de désir. Fou d'elle. Il me renvoie dans ma folie, aussi brutalement que j'en étais sortie. Ma folie, celle qui s'extériorise par ma main qui relâche son poignet pour rejoindre sa comparse, sur son soutien-gorge, ses bordures qu'elles agrippent et qu'elles font craquer, céder, avec une facilité aussi surprenante qu'évidente, une facilité qui m'arrache un sourire qui se noie dans notre baiser, mais un sourire tout de même. Un vrai, teinté de revanche, mauvais, trop fier, mais vrai. Il a dû choisir la lingerie, l'apprécier, la désirer. Il pourra la regretter, moi, j'ai mieux à faire. Je plaque ma peau brûlante contre la sienne, enfin offerte, je m'en décolle un instant plus tard, indécis, insatiable, pour laisser mes mains retrouver son corps, défait de ses artifices, redécouvrir ce que j'ai possédé, longtemps, pas assez, et ce que je retrouve, pour un moment, rien qu'un moment. Mes doigts s'aventurent sur sa poitrine, apprécient le souffle saccadé qui la soulève, ses contours appris par coeur, le velours de sa peau, les frissons de son envie, la mienne me rattrape, elle rattrape la caresse qui s'avérait d'abord légère et qui se fait pressante, enflammée, tandis que mes lèvres quittent les siennes et dégringolent sur dans son cou, à nouveau. Elles s'aventurent sur son décolleté, s'y plaisent mais ne s'en contentent pas, mes baisers se font dévorant à chaque centimètre parcouru sur sa peau, ils filent le long de son abdomen, s'attardent là où je la sens s'arquer, se tendre, s'embraser, finissent sur son ventre, et il s''y perdent.
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Dawn J. Baker
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BADJAWN - Until the morning EmptyVen 18 Sep - 5:05

Jack & Dawn

- Until the morning  

Je n’étais plus rien, je n’étais plus elle, je n’étais plus ce souvenir, ni celui que je me plaisais à retrouver, ni celui qu’il se plaisait à imaginer. J’étais disparue, enfouie, ailleurs, différente. J’étais tout et rien à la fois, et son contact, son absence, me le confirmait tout autant qu’il le niait. J’étais partie, j’avais fui, j’avais oublié, tout oublié, pour en renaitre, pour en changer, pour en expier, un peu, surtout. Et son regard, et son attention, et ses mots, et sa présence ne me faisaient plus autant de bien que de mal, à savoir, l’inverse surement. Je cherchais son approbation, je cherchais sa rage, je cherchais son bonheur, je cherchais sa peine, je le cherchais lui et je l’avais trouvé au détour, je l’avais trouvé et retenu, trouvé et accepté, trouvé et empiété, de tout son être, alors que d’un geste brusque j’avais déchiré ce qui semblait être mon costume, ma parure, mon bouclier. Mon erreur, ma gaffe, mon doute, ma vie, maintenant. Je l’avais choisi et j’allais m’y plier, un jour, aujourd’hui surement pas, mais un jour, je me le promettais, je le valais, aussi peu soit-il, aussi peut soit-elle, mais je m’en était fait la promesse, de tenter, de vivre autrement, facilement. Si seulement il ne revenait plus à la charge, si seulement il évitait de me regarder comme il le faisait, comme il savait si bien le faire. Si seulement il disparaissait, nuage de souvenirs, étoile noire qui brille d'avant, pour d’autres. Mais il s’avance, il s’avance et je recule, beaucoup moins libérée, beaucoup moins fière, repentante, aveugle, déçue, anxieuse. Il esquisse un geste puis un autre, il hypnotise tout ce qui me reste pour gober, pour tout avaler, pour m’attirer à lui, pour chasser ce qui me reste de conscience, conscience en carton que je me refuse dès que ses lèvres trouvent les miennes, dès que mes mains, soulagées, agrippent cette nuque qui s’éloigne pour mieux me retrouver. Dès que je m’esquive, dès que je me fuis moi-même, dès que je tourne la tête pour le voir m’attraper au vol, me river dans la fuite, me capturer, me captiver plus encore que jamais. Il a la fougue au cœur, il a la fougue au corps et il anticipe chacun de mes gestes, ne montrant aucune issue, aussi vil qu’une vipère qui s’attaque directement à sa proie. Je veux fuir parce que j’appréhende déjà les conséquences, mais mon corps, bouillant, s’immobilise, s’accroche, se fond, se fusionne à ses caresses, à sa douceur, à sa violence, le temps d’un échange, puis d’un autre, le temps de sentir son corps insensible, abusif, oppressant qui en demande, qui en redemande alors que je suis avide de lui, de lui tout entier, de lui et de tout ce qu’il personnifie, de tout ce qu’il peut m’offrir, de tout ce que je peux lui arracher pour mon plaisir, et mon seul. Je suis égoïste, je suis abjecte, je suis sans cœur aucun pour lui avoir offert le mien, pour le lui avoir laissé, pour l’avoir oublié depuis, et je n’ai que faire de la commode, du vase, de la chambre en entier, alors que tout ce que je veux, tout ce que j’implore, c’est lui, lui seul, lui et moi mais surtout lui. Jack. Oh, Jack.

Il s’éloigne pour reprendre son souffle, échange fougueux qu’il a laissé sans repères et j’en profite pour me détacher, consciente de la suite, implorant, suppliant comme jamais alors que sa chemise part elle aussi en lambeaux, alors que je laisse mes griffes acérées se charger du reste, voulant un peu, une partie, un trait de lui, un souvenir, une catastrophe, ma propre violence, agressive, sale, assoiffée. J’ai la respiration haletante, j’ai les yeux qui crèvent d’envie, qui crèvent de peine et je la chasse, je chasse la douleur qui me creuse le ventre alors qu’il se laisse guider, alors que mes lèvres sont gorgées, humides, rouges, sang, du sien, du mien, du nôtre. Je ne me reconnais plus et je nous égare au passage, j’ignore tout pour me concentrer sur ce besoin, vital, essentiel, charnel, de retrouver son contact, sa chaleur, sa pression, vite, plus vite, trop vite. Il cède sous mes gestes étudiés, sous mes paumes pressantes, possessives, avides et il m’initie sur le lit qui capte nos deux corps à la dérive, nos deux épaves, nos restes d’humanité qui n'on instance qu’à faire un, qu’à s’additionner pour ne plus être en reste face au réel béotien qu’ils se sont eux-mêmes créé. Et il se dérobe de moi, de mon visage, de mes craintes, de mes joues brûlantes, pour s’égarer sur mon corps, pour y passer ses mains agiles, souvenirs d’avant, mémoires effacées qui reviennent plus vite encore que je ne le voudrais, que je ne l’implorais, surtout. Je sens tout, je ressens tout, chaque brise, chaque souffle, chaque contact, chaque passage, mon épiderme l’appréhende, le réclame, le soulage, le soupire. J’ai la carrure en miette sans même qu’il ne m’ait touchée, vraiment, sans même qu’il ne m’est désirée, alors qu’il se promène, qu’il tergiverse, qu’il erre sur cette pente, cette horrible pente ascendante, cette décente aux enfers que je lui encourage, cambrant les hanches, m’offrant à ce sacrifice comme si c’en était la seule solution, comme si c’était le seul remède à la maladie, à la fièvre, à cette sensation, piquante, brûlante, douce, affreusement douce. « Prends moi… prends tout… » que je souffle, absente, distraite, ailleurs. J’en oublie déjà la dentelle, j’en oublie le satin, j’en oublie le mariage, j’en oublie Jack même, pulsion combative et destructrice faisant le reste, et je force, et je force son visage au mien, et je force son corps, près, plus près, déjà trop près, trop évident, trop pressé. Je le chavire pour mieux le posséder, je le chavire pour voir ses yeux, pour voir son âme, pour voir à quelle point l’erreur est belle, l’erreur est forte, l’erreur est mienne. Le jeans qui lui servait de barrière disparait aussi vite que mon expiation, que mes supplications traversent mes lèvres et déjà, déjà, je sais qu’il est trop tard, je sais que j’en ai besoin, je sais que la marche arrière est impossible tellement son corps, tellement sa présence, tellement sa personne m’obsède, au plus profond de ce qui me sert de corps, de peau, de tripes, d’enveloppe.

Mes hanches ondulent alors que j’ai fait le choix, alors que j’ai pris la décision de donner, de donner tout ce que j’ai, de ne garder que maintenant, de ne garder que lui, que lui et les draps déjà souillés, que lui et les souvenirs bafoués, que lui et moi, que nos corps qui s’agencent, que nos corps qui se réchauffent, que lui qui me découvre et me redécouvre, de mes cuisses qui épousent parfaitement la forme de son bassin, de son torse qui s’allie au mien, de ses bras qui enserrent ma taille, de mon front qui percute le sien, de nos soupirs qui, saccadés, se retrouvent pour mieux s’éloigner, pour mieux s’aérer. La douleur s’emmêle à la chaleur de l’union, à la chaleur du contact, profond, à la chaleur et à ce qu’il a à m’offrir, à tout ce que je veux lui donner. La nuit caresse déjà Los Angeles et j’ai la tête ailleurs, j’ai le cœur bien loin et les prunelles, juste ici, fixées aux siennes, implorant les siennes, alors qu’il finit par me soulager, par me donner enfin ce que je demande, par s’unir, le temps d’un long, d’un puissant, d’un demandé geste ultime. La collision, est proche. Et je ne veux que ça, je n'espère que ça.

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