C’est ce qu’Hyde se répète depuis des heures, tout en étant pleinement conscient qu’il n’en fera rien. A quoi bon maintenant de toute manière, le soleil est déjà levé. Il a passé la nuit à mater des épisodes de séries télévisées à dessiner, écrire, à défaut de pouvoir gratter. Les voisins se sont trop souvent plaints de ses nuisances nocturnes et son proprio l’a déjà dans le collimateur.
Il laisse retomber son stylo sur le bar et s’étire en faisant craquer sa nuque, puis pousse un soupir qui gonfle ses joues et relâche tout. Son regard azuré se perd dans le vague un moment, alors que la lumière du jour naissant continue de croitre dans son appartement. Il finit par jeter un œil dans cette direction, appréciant l’explosion de couleurs que lui est offerte. Hyde se laisse aller à sourire. Mais son sourire ne s’attarde pas longtemps. Ca lui rappelle d’autres levés de soleil auxquels il a assisté. Ca le ramène à une autre époque. Une époque à laquelle il veut mieux qu’il ne pense pas trop.  
Le jeune homme s’arrache à ses contemplations et descend de son siège de bar pour contourner le meuble et rejoindre le coin cuisine. Il ouvre le frigo et se saisit d’une cannette de RedBull qu’il ouvre avant de la porter à ses lèvres. Il sait bien que ça ne le réveillera pas vraiment, ça n’a jamais eu tellement d’effets sur lui. C’est un attrape couillon ce truc, mais tant pis. Et puis il n’aime pas le café alors il faut bien trouver quelque chose de nocif à ingurgiter avec sa clope du matin. Clope qu’il s’empresse d’allumer avant d’aller ouvrir sa baie vitrée pour s’installer un moment sur la terrasse, remontant la fermeture de son sweater gris pour se préserver de la fraicheur matinale.
Il s’appuie sur la barrière et regarde la ville s’agiter à ses pieds, les lumières s’agiter dans le reflet des immeubles qui l’entoure. Si ce spectacle l’a saisit dans les premiers temps, aujourd’hui, ça ne l’impressionne plus vraiment. En fait, ça lui fiche même un peu le cafard. Son bayou natal lui manque… Une fois encore, il se met à penser à Amelia. Ils se sont appelés le mois dernier. Elle a fait la conversation, comme à son habitude, lui a parlé de ses soupçons à propos d’une maitresse. Hyde ne l’a écouté que d’une oreille et a trouvé une excuse pour raccrocher. C’est dingue quand même. Quand il lui parle, elle l’insupporte au plus haut point et le reste du temps…elle lui manque.  
Sa cigarette terminée, Hyde l’écrase dans le cendrier et l’y laisse tomber avant de retourner à l’intérieur. Il achève sa canette, la broie et la jette avant d’aller enfiler ses baskets. Il attrape son Ipod, rangé sur le meuble d’entrée, et glisse ses écouteurs dans ses oreilles. Un autre de ses rituel : il court environs 6 km tous les matins. Ca n’est pas très recommandé après avoir consommé une boisson énergisante ou fumé mais, hey, qui s’en fout ? Lui, assurément.

Son tour de piste achevé, le bassiste passe la porte de son hall d’immeuble au centre-ville. Il adresse un signe de la main au réceptionniste qui le salue en retour, le félicite pour son dévouement et, après avoir échangé quelques banalités, ils se souhaitent une bonne journée et Hyde s’engouffre dans l’ascenseur. Il se déchausse et file directement dans sa salle de bain pour une douche brulante bien méritée. La journée ne s’annonce pas si mal. S’il occulte le fait qu’il va certainement devoir croiser Birdie cet après-midi, aux répétitions qu’ils ont prévues. Ca ne l’enchante pas. En même temps, comme toujours, il se surprend à se demander ce qu’elle portera et si elle aura coiffé ses cheveux comme il aime qu’elle le fasse…      
Sa douche terminée, il enroule une serviette autour de sa taille et frotte énergiquement ses cheveux détrempés. Plus ou moins sec et rhabillé, Hyde rejoint son salon et se laisse tomber dans le canapé, face à la télévision. Il attrape sa manette de Playstation et allume le tout, gardant sa serviette passée sur ses épaules pour éviter que l’eau dégoutte sur le tissu. Mais alors que la vidéo de présentation de Watch Dogs se lance, quelques coups sont frappés à la porte.
Hyde tique et se relève, recommençant distraitement à essuyer ses cheveux à l’aide de sa serviette. Il s’approche du judas et jette un œil dedans. Tout ce qu’il peut voir, c’est un bonnet, porté par un type qui s’intéresse apparemment à ses pieds. Hyde renonce à identifier le gêneur et défait les verrous pour ouvrir la porte de son appartement et faire face à…

Il se fige. Son cœur manque un battement et lui tombe dans l’estomac. Estomac qui se noue tout à coup et devient presque douloureux. Son cerveau se met à fonctionner à plein régime, envoie des signaux de détresse à tout son organisme. Ca part dans tous les sens et en même temps, il n’arrive plus à penser à rien.
Jekyll est sur le pas de sa porte. Le pas de sa putain de porte.
- Bordel de chierie d’merde, finit-il simplement par souffler, sous le choc.

Il regarde les choses telles qu'elles sont, il a toujours été plutôt réaliste de ce côté là. Il sait que la fuite en avant n'était pas une solution miracle à tous les questionnements injustes qui l'habitaient avant son départ. Et non, parce que les problèmes sont toujours là lorsqu'il revient. Dans la même ville en plus, information généreuse fournie par Birdie. Il avait tenté d'en savoir un peu plus sans avoir l'air à l'affut de la moindre information concernant son demi-frère. Elle avait rien voulu lui dire ou presque, le forçant à aller le voir et se rendre compte des choses par lui même. Quelle vipère, il lui en veut terriblement. Sa haine envers Birdie est irraisonnée et puérile parce qu'il sait pertinemment qu'elle n'est pas si vilaine que ça, mais à chacune de ses apparitions, ces vieux démons réapparaissent. Elle lui a prit sa sève, celui qui lui permettait de se lever le matin, ouais... Il l'a laissé prendre la seule personne qu'il a jamais véritablement aimé. La seule personne pour qui il aurait été prêt à crever. Parce qu'à ses côtés, Hyde n'était plus le même, il agissait comme cet amoureux transi dénué de caractère propre. Il a détesté la jolie chanteuse pour ça. Pathétique. Il agit comme un petit ami jaloux. Il s'en veut d'être aussi bête mais les sentiments ne se contrôlent pas. Il n'arrive pas encore à être clair avec lui même à ce sujet. Il n'est pas gay, c'est impossible et pourtant chacune de ces pensées envers Hyde provoque chez lui une érection soudaine. Il a bien mit trois jours avant de se décider à aller le voir. Après cinq années de silence, ils n'étaient tous les deux plus à ça près. Cinq années, c'est terriblement long quand on est séparés de la personne que l'on aime. Sauf qu'il n'avait pas vraiment le choix, il allait devenir fou. Il toque à la porte, les jambes frêle, une boule terrible au ventre qui le tiraille de l'intérieur.

Il faut quelques minutes à la porte pour s'ouvrir. Il s'est presque dégonflé pendant ce laps de temps. Il n'est pas prêt pour ces retrouvailles et il ne le sera sans aucuns doutes jamais de toutes manières. Bordel de chierie d’merde même cette expression, aussi moisie soit elle, lui avait manqué. Putain de merde. Ca fait un bien fou de le revoir. Il ne demande pas son reste et prend son demi-frère dans ses bras. Il a l'impression terrible de l'avoir vu la veille. Son odeur lui a manqué, ce mélange savant entre ce parfum diablement masculin et le tabac froid. T'as des cheveux blancs mec. lance t-il pour détendre l'atmosphère. Il s'écarte doucement d'Hyde et lui adresse un sourire avant de l'observer de haut en bas. Il n'a pas vraiment changé, toujours ces vieilles fripes. Il est content. Son sourire niais sur le visage le confirme. Jekyll se souvient de tout. Son départ avait été fortement accéléré par ce qu'il éprouvait pour ce type en face de lui. Un amour terrifiant et non réciproque, sauf que la passion est comme une drogue : en connaître les effets ravageurs n'a jamais empêché personne de continuer à se détruire après avoir mis son doigt dans l'engrenage. Il n'avait rien dit, il s'était tue parce qu'il savait que s'il parlait d'un éventuel départ, Hyde l'aurait dissuadé du contraire. Il ne serait pas non plus parti avec lui si il le lui avait suggéré, il était trop amouraché da sa chanteuse. Alors, c'était la solution qui lui avait semblé être la plus simple.

Il savait que ce jour arriverait, il savait qu'il reverrait Hyde. Il n'aurait pas pu se passer de lui toute sa vie. Il lui était impossible de se passer de lui, même à l'époque où ils se voyaient, il lui manquait sans arrêt. Pendant son voyage, il avait apprit à gérer ce manque et l'avait transformé en haine pour celle qu'il considérait responsable de tout ça. Il est bien conscient que ces sentiments ne seront jamais réciproques. Jamais William ne l'a regardé comme il la regarde elle. Putain, tu m'as manqué ! La faute à qui, la sienne évidement, il n'avait pas pensé que le revoir le ramènerait automatiquement vers ce sentiment d'euphorie, celui de plénitude qu'ils partageaient étant gamins.

Fitz n'est qu'un pion dans l'immense échiquier qui est sa vie. Il le sait aujourd'hui, il l'a comprit le jour où il a réalisé qu'il ne serait jamais aussi important que Birdie dans la vie de celui qu'il chérissait. Le jour où il a comprit qu'Hyde l'aimait terriblement mais pas comme lui l'aurait souhaité. Ils avaient les mêmes rêves, ils se connaissaient par coeur, à vrai dire, jamais Jekyll n'aurait imaginé qu'une fille les aurait séparé et encore moins qu'il développerait des sentiments presque incestueux. Tu t’fous d’ma gueule ? J’t’ai manqué ? Pas vraiment la réponse qu'il aurait souhaité mais celle qu'il craignait. Il aurait aimé faire comme s'il était parti la veille et reprendre sur de bonnes bases mais c'était un leur, c'était logique. Il ne peut même pas lui en vouloir de réagir ainsi. Il baisse la tête, penaud. T’as un putain d’culot d’te pointer maintenant, la bouche en cœur, Fitzgerald. Il avale difficilement sa salive, il ne l'avait plus appelé comme ça depuis leurs première rencontre. Il est aussi conscient que son demi-frère sait qu'il abhorre ce prénom, qu'il lui rappelle un passé qu'il souhaite oublié. Il comprend sa connerie. Il avait besoin de lui et Jekyll est partit. Comment expliquer à Hyde qu'il était en proie avec les sentiments qu'il ressentait pour lui, qu'il était complètement paumé. C'est justement impossible, le brun préfère encore que celui qui lui a tant manqué le déteste.  Je suppose que je le mérite. répond il simplement. Il relève les yeux vers lui pour ne voir que du dégout à travers ceux du musicien. Il fronce les sourcils. Il devrait s'estimer heureux qu'il lui est ouvert. Tu me laisses entrer ou tu préfères faire la gueule encore un peu ? L'humour ne risque pas de l'aider dans cette situation mais c'est la seule arme qui lui reste pour toucher le coeur de William.

Il avale difficilement sa salive. Un long silence s'installe entre les deux jeunes gens, Jekyll est même étonné qu'il ne lui ait pas encore claqué la porte en pleine gueule. Il comprend son frère, si la situation était inversé, il lui aurait probablement craché dessus, mais pas avec des mots. Ok, j'ai déconné, c'est vrai. Partir comme ça... Il avait du le vivre comme un abandon, il n'a donné aucun préavis. La vérité c'est que j'ai voulu t'en parler des millions de fois. C'est vrai, il avait essayé, ce soir là, quand il lui avait avoué qu'il l'aimait et qu'il lui avait demandé de ne pas lui en vouloir, c'était ce qu'il considérait à l'époque comme un adieu. C'était loin d'être franc et massif. Il ne l'avait pas comprit de cette façon d'ailleurs mais il n'avait pas pu faire mieux. Il avait trop peur de ne pas réussir à partir. Il avait ce projet depuis quelques temps et il s'était souvent dégonflé parce qu'imaginer sa vie sans son demi-frère lui était insupportable. Il pousse un soupire. Je t'ai pas dis au revoir parce que c'était trop dur. Rien que l'idée de ne pas te voir tous les jours me donnait envie de rebrousser chemin et de rester. Si je t'ai pas dit au revoir c'est parce que je savais pertinemment que tu me ferais changer d'avis. Partir était devenu la seule solution viable, ça et la folie. Tu sais que tu m'aurais empêcher de le faire. Il retire son bonnet et passe une main dans ses long cheveux bruns. Il aurait du aller chez le coiffeur il y a déjà quelques semaines mais il repousse sans arrêt ce moment parce qu'il déteste ça. Il se tient face à lui et le regarde. Il réalise que ni le temps, ni la distance n'a tempéré les sentiments qu'il éprouve pour le bellâtre. C'est terrible, ce sentiment d'avoir trouvé la bonne personne, d'être sur d'être en face de celui qui peut vous élever, vous rendre meilleur et savoir qu'il ne ressentira jamais la même chose pour vous.